Extrait du numéro 187 de la revue Entendre: Deuil et processus d’adaptation
Louise Bellemare
La majorité des auteurs définissent le processus de deuil en cinq étapes : le choc, le déni, la détresse, l’adaptation et la réorganisation ou acceptation.
Le choc
Les sentiments que les parents éprouvent pour leurs enfants sont parmi les plus forts. Quand les parents reçoivent un diagnostic de surdité pour l’un de leurs enfants, ils ont mal. Ils auraient voulu que tout aille bien pour leur jeune, que celui-ci ait le moins d’obstacles à franchir, bref, qu’il ait une vie facile. Même si certains parents avaient des doutes, la confirmation de la surdité vient toucher quelque chose de très sensible.
Vous avez tous entendu des expressions utilisées par des parents pour décrire leur état à ce moment-là : « C’était comme un deux par quatre en plein front.», « J’étais assommé « ben » net.», « On m’a dit qu’elle avait une surdité… Je n’ai pas entendu le reste.» Le parent est en état de choc, paralysé, « écrasé sur sa chaise », confus… Puis, selon chacun, cet état de choc se traduit de différentes façons : des pleurs, de l’agressivité, de la peur, de la révolte ou une apparence d’indifférence.
La négation (déni)
« Ça ne se peut pas, il n’y a pas de surdité dans la famille. » « Ce n’est pas vrai, il se retourne quand je m’approche de lui.», « (…) Les parents entrent dans une période de confusion et de négation. Tout ce qu’ils souhaitent, c’est de voir la réalité se métamorphoser magiquement et leur chagrin disparaître. » (Michaels et Schucman) (1). L’entourage s’en mêle, parce qu’il souffre également, et suggère toutes sortes de façons de « guérir » cette surdité : des médailles de Saint Joseph ou des scapulaires sous l’oreiller, de l’eau bénite dans les oreilles, des neuvaines en ce qui concerne les plus croyants ; des chandelles auriculaires, des séances d’acuponcture ou de chiropractie ou même la chambre isobare comme remèdes de la part de ceux qui sont plus du côté de la médecine alternative. Une autre façon de nier la réalité est la fuite… dans la maladie, dans le travail…
La détresse
C’est la période aiguë du deuil. Elle est caractérisée par un état émotionnel intense : tristesse, pleurs, culpabilité, honte, irritabilité, anorexie, insomnie, sentiment de vide, fatigue, colère, pouvant mener jusqu’à la dépression. « Pourquoi cela nous arrive à nous ? » « Qu’est-ce que j’ai fait de pas correct ? » Probablement parce qu’elle a porté l’enfant, la mère a souvent tendance à prendre sur son dos la responsabilité de ce qui se passe et de se faire des reproches.
La cause de la surdité n’a pas encore été établie et les parents se sentent coupables. « Leur culpabilité est si vive que l’un des deux peut prendre totalement les choses en main pour épargner l’autre. Mais le conjoint plus actif se sent rapidement écrasé par le fardeau et finit par reprocher à l’autre sa passivité. Il faut bien dire que (…) l’homme se sent mal à l’aise dans ce genre de situation et qu’il a (parfois) tendance à l’esquiver en se plongeant dans le travail. » (2) Certains, pour apaiser leur sentiment de culpabilité, adoptent des attitudes surprotectrices envers leur enfant.
La colère est également présente, colère contre tous et chacun. C’est une révolte contre un sort que l’on juge injuste. La colère traduit souvent un sentiment d’impuissance, on ne peut rien y faire, on ne sait comment faire…
Les parents ont parfois tendance à s’isoler pour ne pas faire voir leur souffrance, pour ne pas avoir à supporter des questions ou des commentaires auxquels ils ne sont pas vraiment en mesure de répondre.
L’adaptation (réorganisation)
Le temps passe, les parents reçoivent plus de services, ils assimilent mieux l’information. L’anxiété et les émotions intenses s’atténuent graduellement, ils ont de plus en plus confiance en eux. Ils deviennent membres de l’AQEPA, partagent leur expérience, trouvent des réponses et du soutien.
Les parents se donnent à plein pour fournir le plus d’outils à leur enfant, ils voient ses progrès et ceux des autres enfants vivant avec une surdité. Ils commencent à avoir confiance en l’avenir. Leur jeune leur apporte de nombreuses gratifications. Après avoir vu tout en noir, chaque petit succès de l’enfant amène une immense satisfaction aux parents et, à mon sens, ils la méritent bien.
Notes et sources
(1) Michaels, J. et H. Schucman (1966) cités dans L’enfant inattendu de Constance Lamarche, Boréal, 1987, p. 68
(2) – Lamarche C., L’enfant inattendu, Boréal, 1987, p. 73.
Deuil normal et pathologique, Patrick Hardy, Université d’Angers http://psyfontevraud.free.fr/cours/70-deuil.htm
Le deuil et le chagrin – la maladie, Collège des médecins de famille du Canada