Vivre avec la surdité

L’acquisition des premiers mots chez les enfants porteurs d’un implant cochléaire

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Extrait du numéro 194 de la revue Entendre.
Colloque international de réadaptation sur la surdité, la surdicécité et les troubles du langage et de l’audition

Louise Duchesne
Ph.D., orthophoniste et chercheure à l’Institut de réadaptation en déficience physique de Québec

Les recherches récentes montrent que l’implant cochléaire reçu en bas âge permet à de plus en plus d’enfants sourds profonds nés dans des familles entendantes d’atteindre des niveaux de langage qui s’approchent, voire rejoignent, les limites de la normale des enfants qui n’ont pas de perte auditive.

Malgré la précocité de l’intervention visant la mise en place de l’implant, l’exposition au langage de l’enfant qui naît avec une surdité sévère ou profonde se trouve néanmoins retardée si l’on compare à un enfant qui entend depuis sa naissance et qui, même s’il ne parle pas avant l’âge d’un an, entend tous les jours les sons du langage ambiant.

Jusqu’à maintenant, peu d’études ont décrit et  analysé les premiers mots du vocabulaire expressif des enfants porteurs d’un implant. Pourtant, un retard risque de toucher le lexique. En effet, l’enfant, même implanté, n’a pas autant d’accès qu’un enfant ayant une audition normale aux caractéristiques acoustiques de la parole. Par conséquent, cela limite le développement adéquat des habiletés de perception de la parole associées au développement lexical.

Une nouvelle étude

La présente étude fait partie d’une recherche de plus large envergure menée auprès de 43 enfants. Elle a été faite dans le cadre d’études de doctorat en orthophonie à l’Université de Montréal. Le sujet porte sur les habiletés de langage des enfants ayant reçu un implant cochléaire autour de deux ans.

Nous avons comparé la taille du vocabulaire de onze enfants sourds implantés à celle de l’échantillon d’enfants entendants. Échantillon ayant servi à établir les normes en français québécois des Inventaires MacArthur-Bates du développement de la communication (IMBDC). Une équipe de chercheurs en orthophonie de l’Université de Montréal a mené l’étude de normalisation de cet outil au Centre de recherche du CHU Ste-Justine.

La méthode

Cet outil d’évaluation se présente sous la forme d’un questionnaire rempli par les parents. Ces derniers doivent cocher parmi une liste de plus de 600 mots ceux qui sont produits par leur enfant. Ils devaient également indiquer si leur enfant produisait chaque mot oralement ou en signes. Ceci afin de prendre en compte le maximum de mots possible. Les participants à l’étude avaient entre 20 et 44 mois et étaient implantés depuis 8 à 35 mois au moment où le questionnaire a été rempli.

L’objectif

  • Lorsque comparés à la norme entendante, les enfants avec implant produisent-ils un nombre de mots qui équivaut à leur âge réel (ou âge chronologique) ou encore à l’âge correspondant à la durée de port de l’implant (ou âge auditif) ?
  • Abstraction faite de l’âge des enfants, lorsque la taille totale du vocabulaire est semblable chez les enfants avec implant et les enfants qui n’ont pas de perte auditive, le contenu du vocabulaire est-il semblable ou différent ?

Les résultats

  • En comparaison avec la norme, les enfants porteurs d’un implant ont généralement produit un nombre de mots supérieur à celui qui correspond à l’âge auditif (durée de port de l’implant). Mais inférieur à celui qui équivaut à l’âge chronologique.
  • La taille totale du vocabulaire acquis est d’environ 200 mots chez les enfants avec implant et les entendants. Et ce, peu importe l’âge. Lorsque l’on compare le contenu du lexique on observe que de très légères différences de contenu. Par exemple, les enfants avec implant connaissent davantage de mots exprimant les couleurs. Ils produisent quelques prépositions et adverbes (à côté, encore, beaucoup, tantôt), qui ne sont pas dans les 200 premiers mots des enfants entendants. De plus, les enfants implantés produisent plusieurs verbes d’action qui ne font pas partie des premiers mots chez les entendants (coller, couper, entendre, glisser, tourner, travailler). Alors que ces derniers produisent quelques verbes plus abstraits (aimer, aller, donner, finir, vouloir). Ces différences pourraient vraisemblablement s’expliquer par un effet de l’intervention.

Cette étude appuie la notion que l’implant cochléaire en bas âge peut favoriser un développement lexical qui se rapproche de la normale tant au plan quantitatif (nombre de mots) que qualitatif (variété lexicale). Les cliniciens œuvrant en déficience auditive et implant cochléaire devraient cibler leurs objectifs d’intervention en suivant les jalons du développement lexical typique.

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