Vivre avec la surdité

L’approche auditive-verbale

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Par Mélissa LeBlanc, M.Ed.
Enseignante spécialiste pour les élèves ayant une perte auditive

L’approche auditive-verbale (AV) a comme objectif ultime de développer le langage oral par l’écoute. Par l’utilisation de la technologie (appareils auditifs, implants cochléaires ou autre), cette pratique cherche à rendre le monde des sons, des mots, du langage parlé accessible à tout enfant ayant une perte auditive, peu importe le degré de sévérité de la perte auditive.

L’approche AV part du principe hiérarchique que l’audition est la base du langage oral, que le langage oral est la base des habiletés de lecture et d’écriture, que celles-ci favorisent le succès scolaire et que ce dernier mène à une flexibilité professionnelle. Les centres auditifs du cerveau étant stimulés par l’entremise d’appareils auditifs ou d’implants cochléaires, les enfants ayant une perte auditive peuvent ainsi, par l’approche AV, développer leurs compétences auditives et langagières. Le but fondamental de l’approche AV est de donner à l’enfant ayant une perte auditive les mêmes opportunités et les mêmes chances qu’aux enfants ayant une audition typique.  

Puisque la période critique du développement des centres auditifs du cerveau se situe entre 0 et 3 ans (Flexer et Cole, 2015), l’approche AV promeut un dépistage précoce, une intervention centrée sur la famille et une amplification optimale.

Les parents en tant qu’intervenants principaux

En ayant comme prémisse que ce sont les parents qui passent le plus de temps avec leur enfant, le rôle d’intervenant principal pour la stimulation auditive et langagière leur revient. Il importe donc pour la thérapeute ou l’enseignante AV de guider les parents en leur donnant les outils visant à maximiser le développement du langage oral et de l’écoute de l’enfant. Cette intervention, qu’on pourrait plutôt qualifier de mode de vie ou d’interaction avec l’enfant se pratique pendant toutes les heures d’éveil de celui-ci et dans tous les contextes de vie.

Que ce soit dans l’auto, dans la salle d’attente du dentiste, dans le bain, à l’épicerie, en rangeant le contenu du lave-vaisselle, les parents deviennent experts à profiter des moments du quotidien pour stimuler le langage, particulièrement pour ce qui est du vocabulaire nouveau, pour favoriser la conversation dans des contextes naturels d’interactions et ainsi permettre l’acquisition des compétences langagières au niveau des pairs entendants.

L’approche AV est basée sur le développement typique de l’enfant pour tous les aspects de l’apprentissage. Elle repose sur l’utilisation de stratégies de stimulation du langage et de l’écoute ayant fait l’objet de recherche et qui sont intégrées dans le quotidien de l’enfant. Le thérapeute, avec les parents, établit des objectifs d’intervention afin de répondre à ses besoins particuliers. Ces objectifs d’intervention sont établis à partir d’échelles développementales en langage oral, habiletés auditives, littératie, parole et cognition.

Stimuler le langage et l’écoute

C’est ainsi que dès la petite enfance, les parents seront encouragés à créer pour leur enfant un monde stimulant, riche en langage signifiant et adapté à son niveau. Chanter, réciter des comptines, parler de ce qui capte l’attention de l’enfant ou de ce qui l’intéresse devient un réflexe et une habitude ancrée dans le quotidien. Le parent est encouragé à intégrer les objectifs d’intervention dans un contexte agréable, de plaisir, de jeu. C’est d’ailleurs par le jeu que l’enfant est le plus motivé à apprendre, à échanger, à communiquer. Autant s’amuser alors !

Le parent qui intègre les principes de l’approche AV suit les intérêts de son enfant. Il pourrait, par exemple, quand l’enfant voit un chien et s’exclame : «Ouaf !» répondre, dans une voix modulée ou vivante : «Oh ! oui ! T’as vu Fido, le chien de la voisine ! Oh ! Regarde comme il court vite, Fido ! ». Voilà un exemple d’une réplique expansive, au niveau du langage de l’enfant, et suivant ses intérêts. C’est dans ce sens que la mise en place d’une pratique AV peut s’éloigner de la séance de thérapie conventionnelle autour d’une table pour une durée d’une heure.

Une balade au parc, les courses à l’épicerie, une visite chez les grands-parents ou chez le coiffeur peuvent toutes être transformées en occasion d’intégrer, d’enseigner, de jouer avec les mots et les sons afin que l’enfant ayant une perte auditive puisse progresser au niveau de sa connaissance du monde et du langage oral. Sirois et Boisclair (2007) soutiennent justement que la connaissance de la langue et les connaissances générales sont les deux facteurs les plus déterminants de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture.  Voilà deux habiletés qui se développent par la discussion naturelle avec l’enfant et aussi, par la lecture de livres, une habitude privilégiée par la pratique auditive-verbale.

L’utilisation de la technologies auditive

L’utilisation optimale de la technologie auditive et l’intervention individualisée font en sorte que l’enfant malentendant progresse dans son développement langagier et auditif. L’approche AV cherche à faire en sorte que l’enfant rattrape le retard que la perte auditive aurait pu causer. L’inclusion sociale, mais aussi scolaire et éventuellement professionnelle est le but ultime de cette approche.  Valorisant l’autonomie, la pratique AV encourage l’enfant ayant une perte auditive à devenir responsable de sa technologie et à pouvoir expliquer aux autres ses besoins afin de se mettre dans de bonnes dispositions pour discuter entre amis, pour apprendre en classe, pour profiter d’un spectacle, bref, pour balayer les obstacles que la perte auditive pourrait occasionner. Par exemple, si l’utilisation d’un micro et de haut-parleurs est recommandée à l’école, l’enfant sera encouragé à expliquer aux personnes concernées pourquoi et comment l’utiliser.

En somme, la pratique auditive-verbale repose sur l’idée que nous sommes dans une ère où les technologies sont de plus en plus performantes et accessibles et le dépistage de la surdité de plus en plus précoce. Misant sur la capacité de l’enfant de développer son langage oral par l’écoute et en accompagnant de près la famille, cette approche cherche à donner à l’enfant toutes les chances possibles de développer son potentiel de façon optimale.

Renseignez-vous

La grande majorité (plus de 90%) des enfants naissant avec une perte auditive ont des parents ayant une audition normale (Mitchell et Karchmer, 2004).  On comprend que ce diagnostic au sein d’une famille ayant peu ou pas d’expérience avec la perte auditive peut surprendre ou choquer. Apprendre que d’autres enfants ayant une perte auditive arrivent à s’exprimer oralement, tout comme les enfants n’ayant pas de perte auditive donne espoir aux parents. Il peut, à ce moment, être rassurant pour les parents de rencontrer d’autres parents ayant un enfant avec une perte auditive afin d’aller chercher un soutien et les aider à choisir une approche qui leur convient.

Cole, E. B., & Flexer, C. (2015). Children with hearing loss: Developing listening and talking, birth to six. Plural Publishing.
Mitchell, R. et Karchmer, M. (2004). Chasing the mythical ten percent : Parental hearing status of deaf and hard of hearing students in the United Stages. Sign Language Studies, 4, 138-163.
Sirois, P., & Boisclair, A. (2007). Les débuts de l’apprentissage de la lecture chez l’enfant sourd: présentation d’un modèle d’intervention pédagogique. Revue parole, (41), 25-77.

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Les conseils de l’AQEPA

Comment savoir quel mode de communication conviendra le mieux à mon enfant? Il n’y a pas de modèle préétabli, pas de recette magique : Chaque option présente des avantages… mais également des limites, et chaque enfant est différent, avec ses forces et ses capacités.

N’oubliez pas :

  • Il est essentiel de prendre le temps de s’informer pour avoir accès à une présentation complète et objective des différents modes de communication à envisager. Renseignez-vous, posez des questions aux professionnels, aux autres parents, …
  • Le choix vous revient : chaque situation familiale est unique. Vous devez vous engagez dans la voie qui semble la plus adaptée à votre vie, en fonction du profil de votre enfant, de votre contexte familial, des ressources disponibles dans votre région etc…). Faites-vous confiance !
  • Les différentes approches peuvent se compléter et votre choix est évolutif : il peut changer au cours de la vie de votre enfant.

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