Études et emploi

L'importance de se faire confiance

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Marjorie, est née et a passé presque toute sa vie à Sherbrooke, où elle travaille actuellement comme directrice de l’AQEPA Estrie. Elle nous raconte son parcours jusqu’ici.

À l’école régulière, presque comme tous les autres enfants

Lorsque Marjorie fréquentait l’école primaire, il y avait beaucoup d’enfants sourds. Ces derniers étaient intégrés au groupe régulier dans l’avant midi, mais sans interprète. En après-midi, ils étaient séparés pour réviser les apprentissages de la matinée. Mais parce que les enfants au programme régulier continuaient à avancer dans l’après-midi, les enfants sourds prenaient du retard. La mère de Marjorie a donc pris la décision d’envoyer sa fille à son école de quartier, et elle a cherché et trouvé un interprète pour que cela soit possible. Marjorie fut la deuxième enfant sourde dans l’Estrie à être intégrée au programme régulier avec un interprète.

Des angoisses qui ne font pas le poids face à un entourage sécurisant

En ce qui concerne le secondaire, Marjorie avait peur d’y aller au début. Elle pensait que les autres élèves se moqueraient d’elle. Mais intégrée dans une classe régulière, avec un interprète à temps plein, elle a eu la paix pendant toute la première année. La deuxième année a été plus difficile puisqu’il y avait un jeune qui l’intimidait. Ce dernier a finalement cessé et Marjorie n’a plus eu de problèmes de la sorte. Heureusement c’est à sa troisième année que Marjorie s’est intéressée au cours de théâtre. Sa mère l’encourageait, alors Marjorie a essayé et, à sa grande surprise, a été acceptée, grâce en partie à ses bonnes notes en français. Elle s’est fait de bons amis et les autres étudiants se sont adaptés à sa surdité. Finalement, elle a fait du théâtre jusqu’à la fin de ses études secondaires.

Quand Marjorie avait peur de ne pas réussir au secondaire, sa mère lui disait « une chose à la fois », et la rassurait en lui disant que si elle a su réussir son primaire, elle serait d’autant capable au secondaire. Sa mère l’a beaucoup stimulée, et son beau-père l’aidait à faire ses devoirs. Ensuite, elle reprenait ses devoirs avec sa mère après le souper, pour les répéter une deuxième fois !

Défis de l’âge adulte relevés

Après avoir obtenu son permis de conduire, parce que sa mère insistait, Marjorie a poursuivi ses études au Cégep de Sherbrooke, en Sciences humaines, pendant deux ans. Elle n’a pas terminé son DEC, notamment parce qu’elle n’était pas sûre de ce qu’elle voulait faire. Finalement, elle a choisi de se réinscrire au cégep, cette fois-ci en infographie… à Montréal ! Et là, elle quittait sa ville natale de Sherbrooke pour la première fois ! Mais avec l’encouragement et le soutien de sa mère, elle a pu trouver une chambre près du cégep et l’aventure a commencé. Elle a dû développer son autonomie et apprendre à vivre toute seule. Ce fut une autre belle expérience, mais elle n’a pas aimé le cours, particulièrement l’idée d’être toujours devant un ordinateur.

Sa prochaine initiative fut donc de s’inscrire au programme de Techniques d’éducation spécialisée, au Cégep du Vieux Montréal. Cette expérience lui a permis de connaître la communauté sourde, quelque chose de nouveau pour Marjorie parce qu’il n’y avait pas beaucoup de sourds à Sherbrooke. Par contre, elle dit s’être sentie à part, parce qu’elle était déjà intégrée dans le monde entendant. Elle s’est concentrée sur ses études et, à la fin de son DEC, est retournée à Sherbrooke dans l’espoir de travailler, mais elle n’a pas pu trouver un emploi dans son domaine.

La mère de Marjorie l’encourageait à aller à l’université. Bien que Marjorie n’y était pas très intéressée, sa mère l’a amenée à l’Université de Sherbrooke pour prendre les informations sur les programmes et également sur les services offerts. C’est ainsi que Marjorie a amorcé un certificat en psychologie, à temps partiel. Et grâce à un interprète et un preneur de notes, l’expérience fut positive.

Mention de persévérance décrochée!

Par la suite, Marjorie s’est orientée vers un baccalauréat en adaptation scolaire et sociale, un défi de quatre ans qui lui a demandé beaucoup de travail et de discipline. Marjorie a dû expliquer la surdité et sensibiliser ses amies, une en particulier, à sa réalité. Dans le cahier des finissants, cette même amie a écrit que Marjorie avait changé sa vision du monde, et qu’elle allait poursuivre ses études en faisant une maîtrise en orthophonie. Quant à Marjorie, elle a mérité une mention de persévérance à l’obtention de son diplôme.

Aujourd’hui, une jeune femme confiante et inspirante

À présent, Marjorie dit se sentir bien avec sa surdité. Il est certain qu’elle vit beaucoup de frustrations, comme par exemple quand ses amis entendants oublient de signer pour elle. Elle vit des hauts et des bas comme tout le monde, mais elle remarque aussi les changements positifs dans sa vie. Lorsqu’elle était jeune, par exemple, il n’y avait pas de sous-titrage et elle manquait beaucoup d’information. Maintenant, cela s’est amélioré et elle peut même aller au cinéma. Elle vit seule en appartement et a appris à s’adapter, par exemple en demandant au dentiste de communiquer avec elle par texto ou courriel plutôt que par téléphone.

Les gens décrivent Marjorie comme une personne organisée, persévérante et capable, qui a une influence positive sur les autres. Marjorie précise que sa mère a joué un rôle important dans sa réussite. Elle était très décidée, et voulait que sa fille réussisse, et c’est pour cela qu’elle l’a continuellement encouragée. Sa mère a toujours souligné l’importance des études, et elle se dit très fière de sa fille aujourd’hui. Et cette inspiration semble de longue durée, puisque Marjorie est toujours aux études, à l’université, où elle complète maintenant un certificat en arts visuels, pour le plaisir cette fois-ci.

Par Nicole De Rouin

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