Lorsque l’on attend un enfant, on n’envisage pas la surdité.
“Choc”, “deuil” sont des mots forts souvent prononcés par des parents qui viennent de recevoir ce diagnostic pour leur nouveau-né, et parfois plus tardivement, pour leur enfant. Et pour cause : La majorité de ces parents ne connaissent pas la surdité et un certain temps d’adaptation est indispensable pour comprendre et intégrer ce diagnostic ainsi que la nouvelle réalité et les conséquences sur la vie familiale qu’il entraîne.
La surdité est invisible et dans la plupart des cas, elle n’est pas héréditaire et donc tout simplement inconnue. Elle a pour spécificité d’impacter la communication et la transmission linguistique, centrale à la relation parent-enfant et par la suite, à la relation au monde. Elle est aussi encore associée à de nombreux préjugés – à tout le moins à de multiples questions.
Or, la découverte de la parentalité est déjà une étape éprouvante en soi. Elle est remplie d’intenses bonheurs mais aussi de reconfiguration identitaire, d’apprentissage, de fatigue et d’inquiétudes. C’est pourquoi il est primordial de ne pas rester seul avec une telle annonce et les défis qu’elle amène dans la vie de famille.
Heureusement, des pistes d’intervention sont à mettre en place! Découvrez différents conseils basés sur des recherches et des témoignages de parents, pour faciliter la découverte de la surdité de leur enfant, tout au long de son parcours, dans les meilleures conditions.
Au moment de l’annonce
Annoncer le diagnostic à deux personnes (deux parents ou un parent et un proche…), pas à un parent seul… qui est trop souvent la maman !
> Pourquoi?
Comme le souligne Sarah Kirsch1, “(Des) mères ont eu la responsabilité d’annoncer le diagnostic à leur conjoint. Sans soutien, ces pères doivent digérer la nouvelle en étant isolés (…) En l’absence des pères lors du diagnostic, les mères se retrouvent donc à la fois chargées de l’annonce du diagnostic aux pères, et responsables principales du suivi de l’enfant, car elles doivent recevoir suffisamment d’informations des professionnels pour ensuite pouvoir les transmettre aux pères. À l’inverse, durant cette période les pères devront s’acclimater à cette annonce sans le soutien d’un professionnel et en se fiant aux informations rapportées par leur conjointe qui est probablement encore elle aussi sous le choc de cette nouvelle”. Notons qu’il est en outre très commun que les mères ressentent une certaine culpabilité lors de l’annonce du diagnostic. Leur donner la responsabilité de transmettre cette annonce à leur tour ne fait qu’augmenter leur charge mentale et émotionnelle.
> Comment?
Recommandez aux deux parents de se présenter au rendez-vous de confirmation de diagnostic, et aux parents seuls de venir accompagné d’un proche, si possible (grands-parents, personne significative). Précisez que cette mesure est normale et facilitante pour le processus de diagnostic – afin de ne pas créer d’inquiétude supplémentaire.
Les avantages :
- les deux parents sont impliqués et engagés également dans le parcours de leur enfant, dès le départ – chacun trouve sa place.
- au moment de l’annonce, de nombreuses informations sont transmises : dans un état de choc, deux personnes retiendront plus d’informations qu’une seule et l’assimileront probablement de manière complémentaire.
Après l’annonce
Référer les familles vers des ressources communautaires ou familiale (hors réseau de la santé) qui pourront les soutenir
> Pourquoi?
Une fois le diagnostic reçu, tout s’accélère. Les parents rencontrent de nouveaux professionnels qu’ils ne connaissent pas, doivent intégrer un jargon qui leur est étranger, prendre des décisions très rapidement (quel mode de communication? implant ou pas implant?). Les rendez-vous s’enchaînent.
Pour certains, cela s’accompagne d’un sentiment d’urgence : il faut “rattraper le retard”, il faut se mettre en action. Pour d’autres, ce sera vécu comme un parcours du combattant dont on ne voit jamais le bout. Le sentiment de compétence parentale est mis à rude épreuve!
Or, malgré tous les efforts faits par les intervenants en réadaptation pour prendre le temps, répondre aux questions, accompagner au mieux les parents, les services en réadaptation restent très encadrés. Les exercices de réadaptation peuvent ressembler à des “devoirs” qui s’ajoutent à leur quotidien déjà chargé. En outre, il arrive que les parents ressentent une sorte de hiérarchie dans leur relation avec l’intervenant, puisqu’ils se retrouvent comme des novices face à un expert. Cette perception peut alors engendrer différentes postures, des plus collaboratives… aux plus critiques (voir Postures des parents entendants d’enfant sourd au regard des services et des intervenants dans le domaine de la surdité).
> Comment?
Les ressources familiales et communautaires, telles que l’AQEPA, seront donc des alliés précieux pour vous : nos services et nos activités s’inscrivent en complémentarité avec vos interventions en réadaptation.
Les avantages :
- Les parents peuvent poser toutes les questions qu’ils ont, nous nous assurons de leur donner toutes les informations possibles, afin de favoriser un choix éclairé.
- Nous ajustons nos interventions selon les besoins des familles : écoute, soutien, jumelage, recherche de références, envoi de documentation… à peu près tout est possible!
Nos programmes de stimulation précoce sont offerts dans un contexte rassurant (à domicile) et misent sur le développement des compétences parentales dans une approche ludique, plaisante, déculpabilisante, à intégrer facilement au quotidien (exemple : le programme Plaisir de lire)
Les parents témoignent...
“L’AQEPA apporte une approche différente des professionnels. L’adaptation à nos vies et nos difficultés est très appréciée. Le fait que les rencontres ont lieu chez nous est tellement plus facile…” (parent membre de l’AQEPA)
“Merci d’avoir pris le temps de me parler et de me rassurer, j’étais à un point où je ne savais plus qui faisait quoi et par où m’en aller… Comme mon enfant a plusieurs diagnostics, j’ai parlé à tellement de personnes mais vous m’avez aidé à tout enligner correctement.” (parent membre de l’AQEPA)
“Après avoir eu le diagnostic, j’étais mêlée, je ne me souvenais pas bien de ce qu’on m’avait dit… J’avais plein de questions dans ma tête… J’ai fait des recherches, je me souvenais qu’on m’avait parlé d’une association de parents. Après avoir parlé avec l’AQEPA, je me suis sentie extrêmement soulagée, la personne a pris le temps de m’écouter et m’a aidé à tout démêler les informations dans ma tête. J’ai reçu plein de trucs par courriel et le guide par la poste. J’ai même eu la chance de parler avec une autre maman et c’est ce qui m’a le plus rassuré, ça m’a donné confiance que l’avenir allait bien aller!” (parent membre de l’AQEPA)
Recommander aux parents de rencontrer d’autres parents, d’autres familles.
> Pourquoi?
Comme le mentionne cette maman, pour pouvoir se projeter dans l’avenir de leur enfant dont ils apprivoisent la surdité, les parents ont besoin de s’identifier. Ils ont besoin de savoir que d’autres sont passés par là, se sont sentis tout aussi perdus… et ont réussi à passer au travers. C’est pourquoi il est essentiel que les parents qui semblent inquiets rencontrent leurs pairs.
> Comment ?
Ces rencontres peuvent prendre différentes formes : activités familiales, groupes de discussion, ateliers d’informations, jumelage de familles.
Des parents nous racontent...
“L’AQEPA ça a été ma bouée de sauvetage si tu veux, je me suis accroché à ça, je ne suis pas tout seul, il y a d’autres gens qui vivent la même chose. Quand je suis allé à l’AQEPA, je voyais que ces gens-là étaient heureux. Ce n’était pas juste du malheur, comme il nous arrivait. Ces gens-là étaient très heureux, les enfants étaient très heureux aussi, malgré les difficultés qu’ils ont rencontrées dans leur parcours.” 2
“On était tellement soulagés. On aurait dit que j’avais enlevé 100 lbs de mes épaules juste en allant à cette fin de semaine. Chaque fois que j’ouvrais la bouche, j’avais l’impression que tout le monde avait vécu la même chose que moi. Et là je me sentais écoutée et comprise.” 2
“Rencontrer un autre parent qui est passé par là, je pense ça serait très aidant, d’avoir quelqu’un qui comprend bien les choses quand on passe au travers de toutes les étapes. D’avoir aussi la possibilité de rencontrer des enfants qui ont réussi.” 2
“Aller chercher de l’aide auprès des autres parents, je pense que c’est essentiel. Au moins une fois pour entendre dire quelqu’un “ah oui j’ai vécu la même chose”. Parce qu’au début on s’imagine être dans le désert, être les seuls à vivre ça. Mais finalement, il y en a un paquet qui le vivent, qui l’ont vécu et vont le vivre aussi.” 2
Et tout au long du parcours!
Proposer aux familles un accompagnement psychosocial adapté à leur réalité, à leur profil, à leur besoin, à chaque étape
> Pourquoi?
Chaque parent, chaque jeune et chaque famille a sa réalité, ses besoins, ses bagages, et son rythme. Chacun, chacune, vivra la découverte de la surdité à sa manière: pour certain ce sera très fluide, quand d’autres auront besoin d’un accompagnement plus poussé dans ce processus.
> Comment?
Les travailleuses sociales et les psychologues sont des ressources clés pour répondre à ces besoins, de manière continue ou plus ponctuelle. Ils jouent un rôle clé de prévention – en écoutant, en guidant et en outillant les parents et leur jeune au travers de leur parcours dans des systèmes souvent trop complexes.
Rappeler aux familles les services et activités offerts par l’AQEPA, lors des périodes de transition amenant des nouveaux défis ou questions.
> Pourquoi?
À mesure que l’enfant grandit, de nouvelles questions et de nouveaux défis peuvent survenir – notamment au moment de l’entrée à l’école, ou lors de la période de construction identitaire qu’est l’adolescence. Or, les enfants et les adolescents scolarisés dans leur école de quartier peuvent se sentir seuls avec cette différence, puisqu’il est rare de rencontrer plusieurs élèves sourds ou malentendants dans une même classe, voire dans une même école, particulièrement en régions. Encore une fois, il est important que les parents et leurs enfants bénéficient d’opportunités d’identifier et rencontrer des modèles auxquels se référer, avec qui échanger.
> Comment?
L’AQEPA organise de nombreuses activités sociales (cabanes à sucre, jeux de quilles, hébertisme, soupers, sorties au zoo, fins de semaines…), ouvertes à toutes les familles membres – incluant la fratrie! Les impacts de ces activités sont parmi les plus marquants : les jeunes nouent de nouvelles amitiés sans barrières, sans préjugés et leur épanouissement instantané est impressionnant à voir et redonne confiance aux parents.
Ils nous racontent...
“Mon grand, ça a été une fin de semaine miracle pour lui.” 2
“J’ai pu voir qu’il y avait des enfants comme ma fille qui réussissaient, s’amusaient, criaient, pleuraient… ils faisaient comme tous les autres enfants” 2
“Lorsque nous avons appris que notre fils était sourd, l’AQEPA a été la première à nous contacter pour nous rassurer et nous offrir son aide. Rapidement, nous nous sommes attachés à cet organisme humain qui a l’épanouissement des enfants vivant avec une surdité au cœur de ses préoccupations. Voilà déjà 6 ans que l’AQEPA fait partie de nos vies; 6 ans que cet organisme nous soutient et nous supporte dans toutes nos démarches pour notre fils. Pour nous, l’AQEPA c’est notre lien avec la communauté sourde, c’est elle qui nous aide à devenir de meilleurs parents en nous éduquant et nous informant sur ce qu’est la surdité, c’est notre bouée lorsque nous ne savons plus où nous tourner, c’est elle qui se bat avec nous pour les droits de notre enfant.” (parent membre de l’AQEPA)
En bref…
En tant qu’intervenant, intervenante, nous vous invitons à rappeler régulièrement aux parents et à leurs jeunes qu’ils ne sont pas seuls, et qu’à tout moment, toute une communauté sera là pour eux, d’une manière ou d’une autre !
Vous souhaitez recevoir nos nouveaux dépliants pour présenter nos activités et services aux familles auprès desquelles vous intervenez? Contactez-nous!
—
1 L’engagement des pères d’enfant vivant avec une surdité (Mémoire de maîtrise en travail social) Sarah Kirsch, 2019.
2 Témoignages de parents issus de la recherche « Expérience des parents ayant un enfant sourd » dirigée par Charles Gaucher PhD, professeur à l’Université de Moncton