Dépistage, Réadaptation, Appareillage

Mon petit bonhomme est né prématuré

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Extrait du numéro 161 de la revue Entendre : Prématurité et surdité

Sylvie Drouin

Avant l’heure

C’était l’été 1996. La nuit du 14 août, un petit garçon a décidé qu’il en avait assez du petit lit douillet et chaud que lui offrait l’utérus de sa maman pour sortir dans le vrai monde. Il n’en était pourtant qu’à sa 26e semaine, il lui en restait 14, mais au diable la bedaine! Déjà deux semaines plus tôt, il avait envoyé un avertissement : le col de sa maman était déjà ouvert de 3 cm. Le médecin avait mis la maman au repos et aux travaux légers seulement. Malgré cela, cette nuit-là, ce fut l’inondation dans le lit à la suite de la rupture des membranes et on n’a pas pu arrêter ce petit pressé de 995 grammes.

Le choc a été bien brutal

Heureusement, l’anesthésiste de garde a réussi à intuber le petit bonhomme du premier coup. Tout de suite après une photo prise au polaroïd (pour la maman qui dormait toujours après la césarienne faite en urgence), l’équipe volante de néonatalogie de l’hôpital pour enfants est venu chercher ce trop petit bébé pour le transférer aux soins spécialisés de son établissement. C’est là qu’il vécut ses trois premiers mois de vie dans un autre petit lit chaud et douillet…au centre d’un extraordinaire branle-bas de combat médical.

Ses combats

Et bien sûr, au milieu de ce combat, Samuel, dont la plus grosse bataille a été la respiration. Ses poumons n’étaient pas complètement développés. Il a vécu assisté d’un respirateur pendant deux semaines et demie. Ensuite on a dû utiliser une ventilation en pression positive pour une semaine et la hotte à oxygène a été nécessaire environ deux mois. Ce n’est que le 3 novembre, soit deux semaines avant son retour à la maison, qu‘il a pu respirer à l’air libre.

Samuel a vécu d’autres difficultés durant son hospitalisation. Il a subi deux interventions chirurgicales : une en rapport avec ses yeux, l’autre pour corriger des hernies inguinales (à l’aine). Comme il était tout petit, on a du le nourrir par gavage pendant deux mois. Et puis le 19 novembre, à 6 livres et 3 onces, il a pu enfin partir à la maison avec papa et maman. On croyait bien alors que notre petit bonhomme avait gagné sa guerre. Mais en fait, nous nous sommes bien vite aperçus qu’il ne faisait que la commencer…

De nombreuses hospitalisations

Samuel a été hospitalisé à sept reprises la 1e année pour des problèmes respiratoires. Il a aussi, au travers ces épisodes, développé d’importants problèmes d’alimentation et, à cinq mois, a dû subir une opéation pour se faire installer un bouton stomacal qui permettra de le nourrir par gavage de façon permanente jusqu’à l’âge de 2 ans ½ . À 14 mois, il a été diagnostiqué avec une surdité bilatérale de modérée à sévère et a été appareillé quelques semaines plus tard. Côté respiratoire, il a été hospitalisé deux fois la 2e année et seulement une fois la troisième. Quant à l’alimentation, il a dû, entre 2 et 3 ans, réapprendre de façon graduelle à utiliser sa bouche pour se nourrir, cela a été une autre très grosse bataille pour lui.

Notre ressenti en tant que parent

Ne croyez surtout pas que Samuel a vécu toutes ses batailles seul… Devenir subitement parents d’un bébé minuscule, incapable de respirer tout seul, nous a laissé avec un sentiment de vide total, d’impuissance complète. Voir son enfant tellement dépendant de tout cet arsenal médical et constater que notre présence ou notre absence ne change en rien ses chances de survie nous a fait connaître bien des peurs et des émotions déstabilisantes : colère, déception, échec, culpabilité, incompétence, frustration, isolement. POURQUOI ? POURQUOI ?

Que peut-on faire pour s’en sortir ? S’accrocher, s’attacher. C’est notre bébé, nous sommes ses parents et il a besoin de savoir qu’il est important pour nous autant que nous sommes importants pour lui. Il se bat pour nous et nous nous battons pour lui. Plus souvent qu’autrement bien sûr, nous nous sentons démunis et avons besoin de soutien parce que nous sommes dépassés par les évènements, mais il faut continuer. Il y a encore des gens dévoués dans le milieu médical avec cette petite étincelle dans les yeux qui nous permettent de croire que c’est possible et il faut les trouver.

Merci à Jan Larivière infirmière de liaison, aux docteurs Cathellier, pneumologue et Riley, néonatalogiste, toutes trois de l’Hôpital de Montréal pour enfants, merci à Yvon Blais, ancien orthophoniste de la RessourSe à Hull, grâce à vous nous avons participé au combat avec notre fils et nous l’avons gagné notre guerre.

Et maintenant

C’est le calme dans la maison, les enfants sont partis pour l’école, je dois me préparer pour le travail. Samuel a 6 ½ ans et il est en 1e année dans son école de quartier. Il porte un système M. F. en classe. Son professeur dit de lui qu’il est souriant, vaillant, bien sûr un peu actif, elle doit le tenir occupé. Elle lui a préparé une « boîte de clown » avec toutes sortes de petits travaux supplémentaires, des coloriages, des petites lectures, ainsi lorsqu’il a terminé ses travaux (car il est toujours aussi pressé…) il peut continuer de s’occuper sans perturber le reste de la classe. Il adore découvrir et apprendre. Il est capable d’en prendre. Elle a, bien sûr, dû préparer d’autres boîtes de clown aux autres amis qui étaient un peu jaloux.

En partant ce matin Samuel était en grande conversation avec sa sœur, vous savez… les mains en l’air appuyant ses dires. Il est tombé dans l’escalier du balcon extérieur (comme il le fait une fois sur quatre … à cause de son intervention chirurgicale à ses yeux, il n’a pas beaucoup de vision périphérique et il est tellement pressé…), n’a même pas interrompu sa phrase, s’est relevé, a continué à marcher et… il a terminé son histoire comme s’il ne s’était rien passé. Eh oui ! Il est comme ça, Samuel.

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