Le dépistage de la surdité chez les nouveau-nés : les régions toujours oubliées!
Montréal, le 23 mai 2023 — L’Association du Québec pour enfants avec problèmes auditifs (AQEPA) rappelle la nécessité d’accélérer le déploiement du Programme québécois de dépistage de la surdité chez les nouveau-nés (PQDSN) en régions, pour que tous les bébés puissent enfin bénéficier de ce programme lancé il y a maintenant 11 ans.
Où en sommes-nous ?
Au mois de mars 2023, seuls 54% des nouveau-nés bénéficient d’un dépistage à la naissance dans le cadre de ce programme, offert dans environ 15 lieux de naissance. Encore une fois, ce sont les québécois vivant en régions qui sont lésés : les bébés naissant au Bas-Saint-Laurent, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, en Outaouais, à Laval, dans les Laurentides, en Abitibi-Témiscamingue, en Côte-Nord, au Nord-du-Québec, et Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine n’ont pas accès à ce programme universel et gratuit, dont le premier test ne prend que quelque minute juste après la naissance. Pourtant de tels programmes existent depuis de nombreuses années en Ontario, en Colombie Britannique et dans de nombreux pays…
Pourquoi le Québec est-il aussi en retard en 2023 ? Est-ce parce que le déploiement de ce programme a été laissé à l’initiative des lieux de naissance qui ont donc choisi de l’implanter seulement s’ils en avaient les moyens et la capacité ? Divers obstacles ont en effet été identifiés, dont la durée de formation des infirmières (5 jours) et des enjeux informatiques. Néanmoins, 11 ans après son lancement, on doit s’attendre à mieux.
Des impacts à long terme dans la vie des familles
Beaucoup de parents, et surtout en région, doivent encore se battre pour obtenir une évaluation en audiologie après avoir remarqué un retard de langage chez leur enfant, vers l’âge de 2 ans ou plus tard encore ! Ils font souvent face à des délais très longs au public, ceux qui le peuvent recourent alors à des services au privé plus coûteux ou parcourent des centaines de kilomètres pour avoir accès à un RDV, et ce parfois après être passés par différentes erreurs de diagnostic, ce qui retarde la prise en charge de l’enfant.
Une maman du Saguenay nous confie : “Vers l’âge d’un an et demi, j’ai commencé à avoir des doutes. Après plusieurs mois de parcours du combattant, en passant par le médecin de famille, le pédiatre, différentes consultations et des évaluations inexactes, des délais excessivement longs … un coup de chance a débloqué notre situation : mon enfant avait maintenant 2 ans et demi, et a finalement été diagnostiqué avec une surdité modérée à modérément sévère aux deux oreilles…. Et bien sûr, un retard de langage.” Une autre se
rappelle : “On a ressenti beaucoup de culpabilité de ne pas avoir pensé à la surdité. D’avoir pensé à tout sauf à ça.”
En effet, une surdité décelée tardivement entraînera des retards de développement langagier et social pouvant s’accentuer à l’école, souvent difficiles à rattraper. Or 60% des enfants ayant une surdité ne présentent pas de facteurs de risques : il est donc important d’offrir un dépistage universel à la naissance pour donner à chaque enfant les meilleures chances.
Accompagner et investir
Pour accélérer le déploiement de ce programme clé annoncé en 2009, nous croyons qu’il est important de pousser et d’accompagner les établissements dans sa mise en œuvre, en partageant l’expérience et les apprentissages des centres ayant déjà fait ces démarches et en soutenant les lieux de naissance faisant face à des enjeux de pénurie de personnel infirmier.
Enfin, notre société se doit d’investir en prévention plutôt qu’en réparation : il est nécessaire d’allouer des ressources dédiées au dépistage et à l’intervention précoce pour être à la hauteur des ambitions de tels programmes de dépistage précoce : nous avons besoin de plus d’infirmières et d’audiologistes, dont le travail doit être valorisé et reconnu, pour diminuer les bris de service et les délais d’attente. Cet investissement en vaut la peine : l’OMS estime un rendement de près de 16 dollars américains pour chaque dollar investi dans les soins de l’oreille et de l’audition. (Source)
Comme chaque année, à l’occasion du Mois de l’Ouïe et de la communication, l’AQEPA rappelle donc au gouvernement son engagement pris en 2021 et attend que le Ministère de la santé et des services sociaux, les CISSS et les CIUSSS soient proactifs et transparents sur les moyens mis en œuvre pour déployer ce programme tant attendu, ainsi que l’échéancier.
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À propos de l’AQEPA
L’Association du Québec pour enfants avec problèmes auditifs (AQEPA) est un réseau d’associations régionales de familles, de jeunes adultes vivant avec une surdité et d’alliés, soutenu par une association provinciale fondée il y a plus de 50 ans. Notre mission : favoriser et promouvoir l’inclusion sociale des jeunes vivant avec une surdité par le développement de leur plein potentiel.