Vie quotidienne

Le temps des fêtes… quand on vit avec une surdité

Les journées raccourcissent, les vitrines, les jardins et balcons se parent de décorations, on entend Mariah Carey dans les allées de l’épicerie…c’est bel et bien le temps des fêtes qui arrive à grand pas !

Les grands soupers de famille vont s’organiser, et si pour beaucoup c’est l’occasion de se retrouver avec plaisir, de rire, de jaser pendant des heures… pour les enfants, les jeunes et les moins jeunes qui vivent avec une surdité, c’est aussi un moment qui peut être redouté. Nous avons demandé à Maxime, une personne sourde et Jérôme, une personne malentendante, de partager leurs souvenirs et leur vision de ces moments passés en famille.

Entre rires, fatigue et ennui

Jérôme

“J’ai toujours aimé le temps des fêtes. C’était une belle occasion pour se rassembler. On avait souvent des grands party de famille. Ce que j’aimais c’était de pouvoir passer du temps avec mes cousins, jaser, rire un bon coup. Mais ce que je trouvais difficile, c’était que j’avais souvent l’impression d’être comme un petit chien qui nage dans l’eau et qui met tellement, tellement d’efforts pour garder la tête hors de l’eau. J’avais cette impression-là pour pouvoir bien comprendre les multiples conversations qui s’entrelassaient les unes et les autres.”

Maxime

 “Les fêtes ne se passaient pas de la même manière, de chaque côté de ma famille. D’un côté, je me sentais souvent à part. On ne faisait rien d’autre que de jouer aux cartes, ce n’était pas vraiment adapté aux enfants…Je me souviens que je demandais “Quand est-ce qu’on part?” Je trouvais le temps vraiment long. Certains adultes me parlaient, mais pas vraiment longtemps. Heureusement, il y avait des cadeaux, c’était plaisant, et puis une fois, il y a eu un père Noël, ça a aidé.”

Des stratégies d’inclusion bénéfiques

Heureusement, certaines personnes faisaient en sorte de rendre ces moments plus agréables pour Maxime :

Maxime

“L’autre côté de la famille était plus chaleureux. Mes oncles, tantes, cousins et cousines me faisaient sentir accepté et aimé. Ils m’incluaient dans plein d’activités ! Par exemple, on devait déballer les cadeaux avec des gants de cuisine, et le plus rapide gagnait un prix ! On dansait, on se taquinait, on jouait à des jeux de cartes faciles pour les enfants… j’ai toujours eu des souvenirs positifs avec eux, je ne m’ennuyais jamais. La communication était quand même difficile, mais ils faisaient attention à ne pas me faire sentir à part.”

Naturellement, même comme enfant, ils mettaient en œuvre certaines stratégies intuitives, dont ils ont pris conscience des années plus tard, avec du recul. Jérôme se souvient :

Jérôme

“J’avais souvent tendance à changer de pièce, me retrouver avec un plus petit groupe de membres de la famille. J’aimais pouvoir m’asseoir à côté de mon grand-père qui lui se berçait sur sa chaise, on était dans un endroit plus tranquille, on pouvait jaser de tout et de rien ensemble. J’ai toujours eu dans mes soupers de famille une place privilégiée, la place du roi, au bout de la table. Je pense qu’à ce moment-là, je ne savais pas pourquoi, mais j’étais toujours assis au bout de la table. C’était devenu ma chaise. Donc, j’étais assis au bout.

Aujourd’hui, je réalise que ce choix-là était inconsciemment le meilleur choix. Ça devait être pour ça que je voulais être là. C’est que tu as une vision sur toute la table quand tu es assis au bout. Tu es capable de voir tout le monde et de lire sur les lèvres de tous et chacun. Donc, j’ai pu bénéficier de ce privilège de la Place du Roi…Comme personne sourde.”

Quelques années plus tard…

Aujourd’hui, avec ces souvenirs en tête et en ayant pris conscience de leurs besoins, de leurs limites et grâce à la découverte de milieux plus inclusifs, ils ont pu faire évoluer leurs traditions.

Jérôme

“Depuis la pandémie, les soupers sont plus petits : on se regroupe plus en petites familles rapprochées, ou avec quelques amis. Et puis aujourd’hui, je prends beaucoup plus conscience de mon environnement et quand je me retrouve dans des fêtes, je m’assure que les lumières ne soient pas trop tamisées.

Je prends toujours une place de choix, soit au salon ou à la salle à manger, qui me permet d’avoir un plus grand champ de vision. J’ai tendance à vouloir m’entourer de gens avec qui je sais que je vais avoir du plaisir à parler dans la prochaine heure : les deux personnes les plus près de moi c’est des personnes avec qui je m’entends bien, avec qui je vais jaser, avec qui je sais que la communication va être plus simple. 

Aujourd’hui, comme adulte, j’ai créé des nouvelles traditions, des nouvelles habitudes qui sont plus inclusives.  Puis, ce que je trouve dommage, c’est que j’ai l’impression que je n’avais pas ces clés-là dans mon trousseau de clés quand j’étais petit. Je n’avais pas ces outils pour pouvoir créer ces habitudes. Maintenant, je me comprends mieux : je le sais que je suis plus heureux dans des petits groupes et plus petits rassemblements parce que ce sera beaucoup moins épuisant de vivre.

Tout ce que je demande, c’est de vivre, c’est de pouvoir comprendre les gens autour de moi. Je sais qu’en étant en plus petit groupe, j’aurais beaucoup plus de plaisir, je serais moins fatigué, je vais vouloir que la soirée se prolonge. Je vais maintenant mettre des mots, je vais nommer mes besoins : “On ne fermera pas les lumières ce soir, parce que je veux être sûr de pouvoir tous bien vous comprendre””

Maxime, lui, a découvert d’autres manières de célébrer les fêtes :

Maxime

 “Depuis que je suis adulte et que j’ai ma propre auto, ça m’a redonné de la liberté. Quand je sens que je commence à être frustré et me sentir exclu pendant le souper de famille, je peux décider de partir. En général, je retrouve mon ami sourd qui habite pas loin, et on finit la soirée de Noël ensemble, car on vit la même chose!

Sinon, j’aime aussi rester seul chez moi et écouter un film avec les sous-titres. Finalement, je me sens moins seul comme ça que quand je suis dans un party avec plein de monde qui ne m’inclut pas. 

Et quand ma conjointe a vu comment ça se passait dans ma famille, elle a vraiment compris mon ressenti. Pour le temps des fêtes avec sa famille, ils ont fait attention à organiser des jeux qui étaient accessibles pour moi : “fais-moi un dessin”, jeux de mime, jeux de carte que je connais, jeux de société… on a même joué au billard, c’était le fun ! Je ne me suis pas du tout ennuyé.”

Quelques conseils pour les parents

Finalement, que conseiller aux parents, à la famille, pour qu’ils puissent contribuer activement à rendre le temps des fêtes magique pour leur enfant vivant avec une surdité?

Pour Jérôme, il est important de prendre le temps de les aider à identifier et nommer leurs besoins :

Jérôme

“Je sais que les fêtes, ça passe vite. La visite arrive vite. Le souper, il n’est pas encore prêt. “Je n’ai pas fini de couper mes légumes. Je suis dépassé par les événements.” Mais prenez quand même ce temps avec votre enfant, un petit deux minutes avec lui. Lorsqu’il vient le temps de choisir la place pour aller s’asseoir, lui demander “où tu crois que ce serait le meilleur endroit pour t’asseoir aujourd’hui?” Et l’inviter à saisir qu’il y a des endroits qui sont plus appropriés, par exemple se mettre contre le mur.

Savoir qu’on voit mieux les gens à certains endroits pour bien lire sur leurs lèvres. Le contexte des fêtes, ce n’est pas un contexte qu’on vit à toutes les fins de semaines, à tous les soirs. Donc, aidez-le pour que le temps des fêtes soit ce qu’il mérite d’être, c’est-à-dire un temps de bonheur, de réjouissance. Et de repos et non un temps d’épuisement.

Maxime

“Si je peux donner un conseil aux parents pour que leur jeune passe un bon moment, ce serait de prévoir des jeux ou des activités adaptés pour les jeunes, et surtout pour ceux qui ont une surdité, et qui permettent à toute la famille de jouer ensemble. Il ne faut pas que leur jeune se sente mis à part, il doit se sentir inclus pour pouvoir créer des beaux souvenirs, comme tous les membres de sa famille !”

Enfin, rappelons aussi que malgré toutes les stratégies mises en place pour faciliter la communication et l’inclusion des enfants et des jeunes sourds ou malentendants, ils pourront ressentir une grande fatigue auditive et avoir probablement besoin, après coup, de deux choses : 

  • de repos et de calme
  • d’une pause auditive !

Un de nos invités nous confie: “Je me rends compte qu’aujourd’hui, je m’autorise parfois à ne plus porter mes appareils quand je suis chez nous. Ça me fait du bien.”

Une utilisation optimale des appareils peut aussi passer par des petits moments sans eux, pour ne pas créer un rejet. Voir notre fiche Encourager votre enfant à porter ses appareils auditifs

Créer des souvenirs précieux

Jérôme

“J’ai vraiment hâte parce que j’ai beaucoup vécu dans la nostalgie et pour moi les fêtes c’est un rappel de ces beaux moments qu’on vit en famille et c’est aussi une occasion de créer des souvenirs. Je veux continuer à créer ces souvenirs-là en famille et pour que ces souvenirs restent dans notre mémoire, il faut que ce soit un environnement confortable, où on se sent bien, où on est heureux. Donc, quand on crée un environnement inclusif pour le temps des fêtes, on va encore plus se souvenir de cette soirée-là.”

Surveillez le calendrier des activités de l’AQEPA dans votre région : elles organisent toutes une fête de Noël pour les familles : l’occasion de rencontrer ou retrouver d’autres jeunes et d’autres parents, le tout dans un contexte inclusif !

Pour aller plus loin

N’oubliez pas que pour créer des souvenirs magiques de temps des fêtes, vous pouvez compter sur l’AQEPA ! 🎄

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