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Impacts de la pandémie et pistes d’action

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Plusieurs mesures sanitaires mises en place depuis mars 2020 ont bouleversé la vie de nos enfants. Qu’il s’agisse de la fermeture des écoles, du port du masque, de la distanciation sociale, des bulles-classe, etc, plusieurs intervenants et parents ont constaté, au fil des mois, les premiers impacts sur le développement émotionnel, psychologique et social ainsi que sur la réussite éducative de leurs enfants. Qu’en disent les experts? Quels impacts peut-on attendre à court, moyen et long terme pour les enfants et spécifiquement pour les jeunes ayant une surdité – pour qui le port du masque opaque représente un véritable obstacle communicationnel?

Que doit-on surveiller et mettre en place pour pallier ou diminuer ces impacts?

Que peut-on ressortir de positif, malgré tout?

Les impacts immédiats et les impacts attendus

Les experts en santé publique ont jugé que le risque de transmission du coronavirus en services de garde est plus dommageable que les effets du masque sur le développement des enfants. Ils ont donc ajusté leurs consignes à l’évolution de la pandémie et des connaissances du moment.

Port du masque opaque

Le service d’Orthophonie et d’Audiologie du CHU Ste Justine a réalisé une revue de littérature en juin 2020 concernant les impacts du port du masque et de la pandémie sur le langage.

Quelques faits saillants :

  • Le masque agit comme un filtre acoustique, atténuant les hautes fréquences parlées. (source)
  • La présence de bruit dans l’environnement a un effet nocif sur la perception de la parole en cas de port de masque opaque (ce qui est le cas dans un service de garde ou une classe) (source)
  • Le masque, en cachant le bas du visage, prive les individus d’une partie importante de la communication non verbale et du sourire social (l’expression des émotions implique les muscles du haut et du bas du visage). (source)
  • Le masque chirurgical transparent améliore les performances de perception de la parole pour les auditeurs ayant une surdité (source)

Scolarité et réussite éducative

Selon Julie Ruel et le Chantier montréalais « Transition vers l’école » d’Horizon 0-5, la période charnière que représente la transition vers la maternelle a été fragilisée par le confinement : Les mesures de distanciation ont entraîné l’annulation de plusieurs activités qui réunissent habituellement l’école et les familles pour préparer la première rentrée, entrainant une potentielle perte de repères pour les familles, voire un frein au développement de liens de confiance de l’enfant et de sa famille envers l’école (source : Observatoire des Tout-petits).

Réseau Réussite Montréal a rassemblé plusieurs chiffres concernant les déterminants de la persévérance scolaire, sous l’angle de la crise actuelle et des mesures qu’elle a induit. Retenons notamment :

Motivation

  • 19, 0 % des élèves du secondaire rapportent un attrait pour l’école inférieur à la normale
  • 32 % des élèves qui évaluent avoir un état de santé mental « passable ou mauvais » indiquent avoir un attrait pour l’école plus faible que la moyenne*.
  • 33,4 % des étudiants au collégial évaluent que leur motivation a été affectée au plus haut degré par la crise.
  • 67,8 % des étudiants considèrent que leur charge de travail scolaire a augmenté depuis le début de la crise.

Les données préliminaires d’une étude réalisée en juin 2020 auprès de 300 élèves de 15 à 18 ans dans la région de Québec laissent entrevoir une diminution du sentiment de compétence chez les élèves en ce qui a trait aux apprentissages en ligne.

Engagement parental

La santé mentale joue un grand rôle dans l’engagement parental. Or, un sondage CROP a permis de souligner le fait que 68 % des personnes interrogées notaient une détérioration de leur état de santé mentale. (source)

Réseau Réussite Montréal attire aussi l’attention sur la situation des parents de jeunes à besoins particuliers pour qui la routine est particulièrement importante : le quotidien s’est retrouvé bouleversé et la mise en place de nouvelles adaptations leur a demandé une grande énergie.

En outre, “Il ne faut pas oublier que le travail de parents de jeunes à besoins particuliers est souvent double puisqu’il implique le même travail d’accompagnement que tous parents exercent avec leur enfant, de façon générale comme dans leurs suivis scolaires, auquel s’ajoute un rôle supplémentaire d’encadrement pour répondre aux besoins développementaux de leur enfant. À ceci s’ajoute, pour certains, la diminution d’accès à des services externes (écoles, centre de répit) et à domicile (respect des mesures sanitaires).”

Les jeunes et les adultes vivant avec une surdité et leurs parents

Du côté de l’AQEPA, nos constats sont assez similaires :

  • les parents se sont trouvés “submergés” d’informations, de travaux à faire…
  • beaucoup de parents ont démontré de nombreuses inquiétudes concernant le port du masque opaque en milieu de garde et à l’école
  • l’enseignement à distance n’a pas été des plus simples – l’accessibilité des communications et de l’école à distance reste un enjeu pour les jeunes ayant une surdité!
  • plusieurs coupures ou suspensions de services, que ce soit en réadaptation ou en milieu scolaire, risquent d’entraîner des retards importants
  • les jeunes et les familles les plus vulnérables ont été les plus affectés

Toutefois, nous tenons à saluer la créativité et l’implication de nombreux intervenants qui ont déployé des trésors d’imagination pour limiter les effets négatifs sur les jeunes qu’ils suivent!

Des leçons à tirer du passé?

Des études démontrent que les enfants nés ou ayant grandi lors d’une crise majeure sont plus susceptibles de développer des troubles physiques ou mentaux en vieillissant. (voir le  Projet Verglas, mené au Québec par Suzanne King, professeure en psychiatrie à l’Université McGill.)

Une étude menée suite à la pandémie de SARS en 2003 a démontré l’existence de plusieurs impacts sur les enfants (source) que l’on pourrait retrouver suite à la pandémie de COVID-19:

  • retard dans l’acquisition de bornes développementales, notamment au niveau de l’autonomie
  • impacts psychosociaux liés à l’affaiblissement des connexions sociales et cognitives (quarantaine, port du masque, etc)

Selon les auteurs, les effets sur le développement sont proportionnels à l’envergure de la pandémie. On peut d’ores et déjà assumer que les impacts de la COVID-19 seront encore plus grands que ceux du SARS.

En résumé...

Découvrez l’infographie “ Les impacts possibles de la pandémie” de l’Observatoire des Tout-petits. présentant les impacts dans la société, au sein des familles, chez l'enfant... ainsi que les possibilités d'action !

Que pouvons-nous faire?

L’Institut national de la santé publique (INSPQ) a publié un document identifiant les conditions nuisibles au développement des 0-5 ans et les stratégies à adopter pour en atténuer les impacts.

Il souligne que “Les pratiques de santé publique reconnues efficaces peuvent être adaptées au contexte actuel, en priorisant cinq facteurs de protection en mesure de réduire l’impact négatif des conditions de vie transformées sur le développement des enfants. (…) Pour atteindre leur plein potentiel, les conditions de succès des actions favorables au développement de l’enfant doivent aussi être maintenues et adaptées au contexte de la pandémie”

Nous pouvons nous inspirer de ces 9 conditions de succès des interventions dans le contexte de la COVID-19 afin de cibler des actions bénéfiques pour pallier les impacts précédemment mentionnés pour les jeunes ayant une surdité, dans les différentes sphères de leur vie :

> Favoriser la collaboration et l’engagement des acteurs

En temps normal, plusieurs acteurs, dont les parents, contribuent au développement des enfants. La pandémie ayant entraîné la suspension de plusieurs activités ou services, il est d’autant plus important de compter sur les partenaires proposant des programmes ou des services de soutien, et notamment le milieu communautaire – dont l’AQEPA fait partie!.

> Répondre aux besoins des enfants et des familles

Communiquer régulièrement avec les familles pour mieux connaître leurs besoins! Que ce soit lors des rencontres de suivis, ou lors d’un simple appel, ou en utilisant des fiches pratiques du type Mon enfant et ses besoins… il est important de connaître leur réalité, leurs ressources, leurs inquiétudes et leurs besoins.

> Renforcer les facteurs de protection et diminuer les facteurs de risque au développement de l’enfant

Lors de crise sanitaire, le principal facteur assurant une adaptation positive chez l’enfant est la présence d’un parent sensible et réactif. Le bien-être des parents est donc essentiel!

Quelques ressources :

> Assurer la présence de critères de qualité des interventions

La qualité des interventions est garante de leur succès et le partage de bonnes pratiques, particulièrement en cette période d’adaptation continue.

Découvrez  les pistes de solutions et conseils d’adaptations pour les jeunes sourds et malentendants, partagés par des professionnelles de la petite enfance et de l’éducation.

Vous souhaitez échanger avec vos pairs pour favoriser le partage de bonnes pratiques?  Partagez votre intérêt ici, nous vous contacterons prochainement pour participer à des rencontres de pros !

> Tendre vers l’universalisme proportionné

Les accommodements sont des mesures nécessaires pour l’inclusion sociale des jeunes ayant des besoins particuliers. 

Par exemple, pour les périodes de transitions scolaires, il est important d’adapter les mesures de transition aux besoins des enfants. Certaines mesures peuvent être universelles (par exemple contacter les familles le plus tôt possible avant la rentrée scolaire, les accueillir et collecter des informations sur les enfants). Cela permet de connaître les enfants ayant des besoins particuliers et de proposer des mesures plus spécifiques pour les accueillir. (exemple : pour les enfants ayant une surdité, présenter et identifier les lieux et les routines par des supports visuels, comme des signes ou des pictogrammes etc…)

En ces temps de pandémie, rappelons également que tant que le port du masque restera nécessaire, il sera indispensable d’opter pour un masque avec fenêtre, si vous intervenez auprès de jeunes sourds et malentendants.

> Cibler l’enfant et tous les niveaux d’influence

Le développement des enfants ne peut se faire si les parents ne sont pas en mesure de jouer leur rôle pleinement. C’est pourquoi les mesures de conciliation travail-famille et l’accès aux mesures d’aide, comme l’approvisionnement alimentaire, la protection sociale, l’assistance matérielle et financière sont indispensables.

>> consulter le site de l’OPHQ

> Permettre une intensité significative ou un cumul significatif

Il est possible de soutenir les familles par la mise en place et la promotion des apprentissages à domicile, grâce à des routines individualisées pour l’enfant (adaptées à ses capacités), par exemple une période de lecture quotidienne, une activité ou un temps alloué pour le jeu libre à l’extérieur…

> Être complémentaires et cohérents

Coordonner les interventions de tous les acteurs impliqués auprès d’une famille ou d’un enfant pour éviter les dédoublements ou les lacunes de services (une approche intersectorielle permet d’obtenir de meilleurs résultats).

Les rencontres de préparation du plan d’intervention scolaire représentent une excellente occasion pour favoriser la collaboration et le travail commun de tous les intervenants entourant l’élève!

> Tenir compte des caractéristiques des enfants et des familles visées

Être flexible, s’adapter, par exemple au niveau du mode de communication préféré des familles, à leur disponibilité. Tout le monde n’a malheureusement pas accès à un internet haute vitesse, n’est pas équipé d’un ordinateur, d’un téléphone intelligent, d’une imprimante…!

Pour vous soutenir

L’AQEPA a développé plusieurs programmes et outils pouvant soutenir la mise en place de ces recommandations :

De quoi rester positif?

Comme le souligne Marie-Ève B-Gaudin, orthophoniste, “je pense que nous vivons une situation exceptionnelle et que tous les enfants de toutes les époques qui ont vécu des événements hors norme n’ont pas connu exactement le même développement… mais la résilience des tout-petits est souvent impressionnante!”

Enfin, comme le note Réseau Réussite Montréal, la crise semble avoir tout de même eu quelques effets positifs sur le sentiment d’efficacité et la motivation des jeunes qui en découle, notamment :

  • Des parents qui s’investissent davantage dans les travaux de leurs enfants et de leurs adolescents (valeur accordée aux activités) ;
  • Des enfants, des adolescents et des jeunes adultes qui gagnent de l’autonomie (sentiment de compétence) ;
  • Des jeunes qui se découvrent de nouvelles habiletés et qui développent des initiatives personnelles créatives (sentiment de contrôle).

Enfin, ce que nous retiendrons de cette crise, est la capacité de concertation et de mobilisation des intervenants entourant les familles et les jeunes : ce travail collectif, cette solidarité devront rester au cœur de nos actions dans les prochains mois et les prochaines années. Pour cela, il est essentiel que les mesures de soutien et les ressources nécessaires soient déployées notamment dans les réseaux de la petite enfance, de l’éducation et de la santé et des services sociaux.

Qu'en pensez-vous?

Quels sont vos constats? Quelles sont vos craintes? Vous sentez-vous assez outillés et soutenus pour pallier les impacts constatés et attendus?

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