Vivre avec la surdité

La surdité de l’enfant : Un voyage riche en émotions!

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Extrait du numéro 213 de la revue Entendre : La réadaptation après le diagnostic de surdité

Par Caroline Guay, M.Ps.Psychologue, IRDPQ Programme de réadaptation en déficience auditive enfants/adolescents et implant cochléaire tous âges

C’est bien connu, devenir parent est une expérience des plus merveilleuses, mais parfois intense, stressante et qui peut générer de l’insécurité. Vous en savez quelque chose chers parents! Comme on l’entend souvent les enfants ne naissent pas avec un manuel d’instructions! Cela serait si facilitant par moment…

Un jour ou l’autre, les parents sont confrontés à certaines difficultés et ce, parfois dès la naissance. Que l’on pense aux difficultés entourant l’allaitement, à celles de santé ou aux pleurs du bébé que l’on n’arrive pas toujours à comprendre. Mais, qu’en est-il lorsque dans les premiers jours suivant la naissance, les parents apprennent que leur bébé est atteint d’une surdité? Cela peut être assez déstabilisant….

D’ailleurs, les études sur le dépistage néonatal rapportent qu’il est possible que la relation parent/enfant soit affectée pendant un moment. Le bébé ne représentant pas l’enfant que les parents avaient imaginé, il leur faudra un certain temps pour faire le deuil de l’enfant idéalisé et s’adapter graduellement. Avec le temps, la relation s’établira malgré tout…

Les étapes du deuil

Les parents passent par différentes étapes au plan émotif. Ils vivent des perturbations en quelque sorte. D’abord, le choc à la suite de l’annonce du diagnostic. C’est à ce moment qu’ils vivent des émotions intenses de peine, de colère ou parfois une absence apparente d’émotion. Ils peuvent remettre en question le diagnostic de surdité, consulter divers spécialistes et minimiser l’impact de la surdité sur le développement de l’enfant.

Le fait de devoir s’adapter à la surdité de l’enfant peut leur sembler un trop grand défi (démarches médicales, services de réadaptation). Ils appréhendent le futur. Ils peuvent se sentir incompétents et, impuissants. Puis, avec le temps, les émotions deviennent moins intenses et les parents acceptent mieux la situation. Certains parents ne sont pas à l’aise avec le mot « acceptation». Pour eux, cela signifie être heureux que leur enfant vive avec une surdité.

En fait, le terme «acceptation» fait plutôt référence au fait de se sentir bien comme parent avec notre enfant, tel qu’il est.

Le deuil un processus dynamique?

Le processus de deuil prend un certain temps. Selon les événements vécus, on peut avoir l’impression de vivre davantage de tristesse, d’inquiétudes, puis traverser ensuite une période où on se sent davantage en équilibre et en paix avec cette réalité. Certains événements quotidiens, comme des commentaires ou des regards en public peuvent faire réapparaître des émotions plus intenses.

D’autres événements dans la vie de l’enfant, tels l’entrée à la garderie, à l’école ou le passage au secondaire sont aussi des événements importants qui, à leur tour, peuvent parfois donner l’impression d’un retour en arrière. Le processus de deuil comporte des va-et-vient entre un sentiment d’équilibre et des émotions plus fortes de tristesse, de colère, d’injustice ou encore d’impuissance.

La surdité dépistée chez un enfant plus âgé

Dans cette situation, plusieurs parents rapportent se sentir coupables de ne pas s’être aperçus plus tôt de la surdité de leur enfant et avoir pensé à tort qu’il était capricieux ou colérique. Lorsque le diagnostic de surdité se pose, ils comprennent mieux les réactions de leur enfant.

Certains vivent des regrets en pensant aux moments où ils n’ont pas pu répondre réellement aux besoins de leur enfant. Pourtant, ils faisaient de leur mieux dans les circonstances. Enfin, il arrive que des parents se sentent soulagés de comprendre ce qui freinait le développement de leur enfant et de savoir désormais comment mieux l’aider.

La surdité prend parfois toute la place

Il peut arriver par moments, que certains parents voient uniquement la surdité en leur enfant. Ils ne voient plus leur enfant comme un petit être avec ses qualités et ses forces. Les parents peuvent alors se sentir encore plus dépassés par la situation.

Avec le temps, en voyant les progrès de leur enfant, en apprenant à mieux saisir l’impact de la surdité chez lui et en apprenant à le découvrir, les parents réalisent que la surdité n’est qu’un des aspects de sa personnalité.

Un aspect important à considérer certes, mais qui ne prend pas toute la place.

Le cheminement que les parents font au plan psychologique les amène à se sentir mieux, à avoir de l’espoir et voir toutes les possibilités que leur enfant aura dans la vie. Le très beau texte « Bienvenue en Hollande » d’Emily Perl Kingsley est une belle métaphore. Elle décrit bien l’expérience que les parents d’enfant ayant une incapacité ou un problème de santé vivent. Elle la compare à celle d’un voyageur qui se prépare à se rendre en Italie. L’avion décolle mais il arrive en Hollande. Après une certaine déception, il arrive à réellement apprécier son voyage bien qu’il s’était préparé à se rendre ailleurs.

Être deux

Dans ma pratique, auprès des parents d’enfants vivant avec une surdité, j’ai pu observer que cela s’avère gagnant, lorsqu’il est possible, que les deux parents s‘impliquent en réadaptation. La responsabilité est ainsi partagée entre eux. Ils font équipe ensemble et c’est l’enfant qui gagne au bout du compte. Sans quoi on risque de se retrouver avec un parent qui n’a pas pu suivre le fil. Cela peut avoir un impact sur la relation avec son enfant, puis avec l’adolescent qu’il deviendra.

D’autre part, le parent qui est seul peut en arriver à trouver lourd la situation et vivre de l’épuisement. Les mères et les pères ont chacun leur spécificité. Il serait dommage de ne pas en faire profiter votre enfant!

De l’aide existe pour les parents

Selon votre personnalité, votre façon de faire face aux situations difficiles, il peut s’avérer aidant de rencontrer un psychologue ou un travailleur social. Ils font partie des équipes de réadaptation que ce soit à l’IRDPQ, à Québec, ou dans les centres de réadaptation de votre région. Leur rôle est de vous accompagner et ainsi faciliter votre processus d’adaptation.

Certaines personnes pensent à tort que pour bénéficier de cette aide il faut que cela aille vraiment mal, ou encore que consulter est le signe que la situation est grave. Ce n’est pas tout à fait cela, au contraire!

Avoir un endroit où vous pouvez vous sentir écoutés et accueillis dans votre vécu, cela peut vraiment faire du bien!

Il importe toutefois de choisir les moyens qui vous conviennent afin d’être appuyés. L’AQEPA offre aussi un bon soutien aux parents. La possibilité de rencontrer d’autres parents qui sont passés par là est un moyen très aidant. C’est du moins ce que plusieurs travaux de recherche rapportent.

Avoir un enfant vivant avec une surdité, c’est un peu comme partir en bateau vers une destination inconnue. Cependant, vous n’êtes pas seuls.

Les intervenants des centres de réadaptation sont là pour vous accompagner à différents niveaux. Il est cependant essentiel que vous communiquiez aux intervenants vos besoins, vos perceptions, vos attentes et ce, au fur et à mesure. Il est aussi primordial que vous vous sentiez le Capitaine à bord du bateau.

Vos intervenants sont en quelque sorte vos guides, ceux qui peuvent vous indiquer les obstacles à prévoir, la préparation à faire. Un peu comme le matelot sur le bateau qui regarde au loin pour informer le Capitaine des obstacles perçus à l’horizon l’aidant ainsi à ajuster sa direction.

Bon voyage, chers Capitaines!

N.B. : Dans cet article le terme « surdité » est utilisé afin de ne pas alourdir le texte. Cependant, nous savons que les différents termes utilisés peuvent varier selon les parents et avoir pour vous une connotation émotive différente. Le degré de surdité peut être variable allant de léger à profond, ce qui fait que certains sont moins à l’aise d’utiliser ce mot. Il existe heureusement des moyens de compensation efficaces allant des aides auditives à l’implant cochléaire.

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