Extrait du numéro 218 de la revue Entendre « l’équilibre en famille »
Par Christianne Giard et Sarah Kirsch
Pour cet atelier, nous avons eu envie de laisser la parole aux pères. Douze papas, de diverses régions du Québec, ont répondu présents à l’invitation. C’est en toute simplicité qu’ils ont pu aborder différents thèmes comme l’annonce du diagnostic, les appréhensions quant à la scolarité de l’enfant et leur place au sein de la famille.
Jacques Dauplaise, psychologue à l’Institut Raymond Dewar, nous a fait l’honneur d’animer cet atelier. Ce professionnel de la santé reçoit depuis 33 ans dans son bureau des parents d’enfants présentant un problème auditif et les accompagne dans le processus d’acceptation. Sarah Kirsch, étudiante à la maîtrise en travail social à l’Université de Moncton et chargée de projet à l’AQEPA Provinciale était également présente pour animer cet atelier.
Comment avez-vous réagi à l’annonce de la surdité ?
Certains pères ont expliqué avoir suspecté que leur enfant ait une surdité, mais que malgré tout, le diagnostic a été un choc.
« Je suspectais le diagnostic, mais quand j’ai eu la confirmation, qui m’a été faite par courriel alors que j’étais en voyage d’affaires, ça m’a scié les deux jambes. J’ai vécu mon deuil avant de pouvoir passer à l’action. »
« J’avais des doutes depuis un an, parce que mon jeune présentait des problèmes de comportement, possiblement dus à sa surdité. J’étais content qu’on puisse mettre le doigt sur le bobo. »
L’un des pères a exprimé, lors de ces échanges, avoir de la difficulté à avoir un diagnostic pour leur enfant.
« Mon enfant parlait vers un an, mais il ne semblait pas comprendre. D’après les tests en ORL, on m’a dit qu’il n’avait pas de problème de surdité. Vers 3-4 ans il a fait plusieurs otites et nous avons consulté de nouveau. Notre jeune a passé un dépistage à Sainte-Justine. L’ORL ne semblait pas inquiet parce que notre jeune était en contact avec trois langues, on nous a dit que ça prendrait plus de temps. Nous avons ensuite consulté au Montreal’s Children Hospital parce qu’il ne parlait toujours pas, puis vint le diagnostic. »
La réaction des parents face à l’annonce n’est pas toujours la même, ni au même moment comme l’expriment certains papas.
« J’avais des doutes et m’étais déjà fait une idée. Cependant à l’annonce du diagnostic, il a fallu que je supporte ma femme qui s’est effondrée, je voulais être présent pour elle. Quelques jours après, il m’est venu le choc et je me suis effondré à mon tour. J’étais choqué, j’ai braillé chez mes beaux-parents puis après j’ai repris le contrôle. »
« Ma femme a vécu cela en dedans, en se refermant sur elle alors que moi j’allais rencontrer des personnes et lire sur le sujet ce qui a provoqué un certain froid au niveau de notre couple. Il a fallu un certain temps avant que nous soyons sur la même longueur d’onde. »
Les pères ont tous joué le jeu et ont partagé leurs ressentis en lien avec l’annonce de surdité de leur enfant. Les expériences sont propres à chacun pourtant nous remarquons des similitudes dans le discours de certains comme le soupçon de surdité pour l’enfant ou la différence de réaction entre les deux parents.
Quelles étaient ou quelles sont vos appréhensions pour l’entrée à l’école ?
L’entrée à l’école est un nouveau défi à franchir qui peut être source de stress pour les familles. Nous voulions donc que ces pères nous partagent leur expérience, leurs questionnements et les craintes qu’ils peuvent ressentir face à cette étape dans la vie de l’enfant.
La première difficulté pour ces familles est de trouver une école adaptée pour leur enfant ayant une surdité et cela peut nécessiter un déménagement, comme l’explique ce papa : « Il a fallu déménager pour changer de centre de services scolaire pour que les deux sœurs soient ensemble, pour que la petite aide sa sœur. »
Lorsque l’enfant entre à l’école, les services s’arrêtent, ce qui peut rendre les premiers temps de scolarité de l’enfant difficile.
« L’entrée à la maternelle (est difficile), parce que l’école ne donne pas tous les services nécessaires comme l’interprète; l’enfant doit se forcer pendant 6 mois. »
Ce qui revient de façon fréquente dans les discours de ces papas, c’est qu’à l’entrée à l’école, il faut que les parents se battent pour avoir des services.
« Il faut attendre en août et si on n’a pas d’interprète, il faut en former une. On se bat même avant l’entrée à l’école. »
« (Il faut) se battre avec l’école. Ma fille a eu un implant et on dit qu’elle n’a pas besoin de service parce qu’elle entend tout. »
Nous comprenons que cette période peut être éprouvante pour ces familles entre la recherche d’une école, les rencontres avec l’équipe éducative et la recherche de services. Ils doivent se battre pour faire reconnaître les droits de leur enfant et pour que des services adaptés soient mis en place.
Comment trouver votre place ?
Nous avons trop peu l’occasion d’entendre les pères et leur vécu. En dernière question, nous voulions qu’ils nous disent comment ils se situent au sein de leur famille.
Certains pères révèlent qu’ils s’impliquent auprès de leur enfant, mais ils considèrent que leurs conjointes jouent un rôle majeur dans l’éducation de leur enfant ayant une surdité. Malgré tout pour un des papas, chacun a son domaine d’implication.
« Il n’y a pas de technique, mais aller aux rendez-vous et si nécessaire brasser, s’impliquer lors des plans d’intervention pour demander ce dont l’enfant a besoin est un bon moyen. Ma femme est la capitaine du bateau; pour les rendez-vous, c’est elle qui gère et moi j’obéis. Elle gère l’horaire et moi je m’implique. La communication est très importante. »
« Ma femme, protectrice, revendique les droits de notre fils qui présente une surdité progressive : elle met l’alarme du four pour le temps de lecture. Je me remets en question, en disant que si ma femme n’était pas là, je ne pourrais pas en faire autant. »
« Ma femme a développé des activités à faire avec l’enfant et moi, et je fais de l’activité physique; nous ne faisons pas la même chose mais nous nous complétons.»
Plusieurs des participants de cet atelier ont expliqué que la fin de semaine familiale est d’une grande aide pour eux. Nous leur laisserons le mot de la fin.
« Je viens à la Fin de semaine familiale avec ma famille et je suis rassuré de voir mon enfant faire des activités avec les autres jeunes. L’important c’est d’avoir un groupe d’aide, c’est aussi très important de voir des jeunes vivant avec une surdité qui font des progrès. »
« L’enfant avec une surdité souffre mais avec les témoignages qu’on entend à l’AQEPA, on sait qu’elle est capable, que tous peuvent réussir. »
« Je ne voulais pas aller à l’AQEPA, croyant que les gens se réunissaient pour chialer. J’ai finalement convaincu ma blonde d’y aller pour voir. Nous y avons connu des personnes qui comprenaient vraiment ce qu’on vivait, contrairement aux membres de notre famille. »
« Faire connaître la surdité aux nouveaux parents est important. Peu importe où se tiendra la fin de semaine familiale, je viendrai avec ma fille. »
Après une heure de discussion, l’atelier a pris fin.
En dernière question, nous voulions savoir si ce temps de discussion était une expérience à renouveler et les retours ont été très positifs. Alors, pourquoi ne pas réitérer l’expérience en proposant une deuxième édition de l’atelier des papas ?