Vivre avec la surdité

L’implication du père : un élément clé pour la réussite scolaire des jeunes

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Extrait du numéro 216 de la revue Entendre : Les réussites des jeunes de l’AQEPA

Sarah Kirsch, Étudiante en maîtrise, École de travail social, Université de Moncton

Charles Gaucher, Ph. D., École de travail social, Université de Moncton

L’accès à l’enseignement de l’enfant confronte les parents à une nouvelle réalité. Il est donc important qu’intervenants scolaires et parents collaborent ensemble pour favoriser l’adaptation de l’enfant.

Castelain-Meunier (2005) appelle l’arrivée d’un enfant au sein du couple : un remaniement identitaire. C’est pour le couple une période de transition de conjoints à parents. Chacun doit se trouver la place et le rôle qu’il veut dorénavant avoir au sein de la famille. Le couple qui décide d’avoir un enfant part de l’idée qu’il devra s’en occuper et s’engager pour lui.

Quand cet enfant naît avec une surdité, tout ce beau scénario est chamboulé. Après avoir annoncé la surdité de l’enfant, les professionnels ont aussi un rôle important à jouer, ils doivent accompagner les parents dans le parcours qui les attend. Ils sont là pour guider les parents qui devront faire des choix concernant la communication avec leur enfant, choix qui ne sont pas sans conséquence pour la scolarisation à venir de cet enfant. Une fois que cette décision a été prise, il est essentiel que les parents soient soutenus pour obtenir des informations et être impliqués tout au long du parcours et notamment dans le processus scolaire de l’enfant.

D’après Pelchat (2005), des différences existent entre l’expérience des pères et des mères dans la façon de s’impliquer. C’est l’expérience des pères qui sera dans les prochaines lignes l’objet d’une réflexion. Les points de départ sont ce que les experts pensent de leur place dans le couple et en tant que parent d’un enfant ayant une surdité.

Les choix parentaux

Dans la plupart des cas, les parents d’enfants ayant des incapacités auditives n’ont qu’une connaissance sommaire des options possibles lorsqu’ils apprennent la surdité de leur enfant. Le choix des familles se portera plus généralement sur ce qui leur semble « naturel » pour elles. Dans ce cas, c’est-à-dire leur propre langue maternelle, généralement une langue parlée (DalleNazébi, S. 2014). Un faible pourcentage des familles prendront la décision de s’orienter vers une langue signée.

Les parents ont pour objectif commun que leurs enfants deviennent autonomes et les professionnels doivent donner accès aux différentes options existantes pour y parvenir (Goasmat, G. 2006). La tâche n’est pas simple, les parents sont perplexes compte tenu de la quantité d’informations disponibles. En fonction des choix des familles, la scolarisation de l’enfant prendra une forme différente : généralement, ce sera l’inclusion dans son école de quartier, mais dans certains centres urbains d’autres options sont possibles comme les classes bilingues français – langue des signes, les établissements spécialisés, etc.

La période de l’entrée à l’école est une période de transition, certains services s’interrompent, d’autres changent. Les parents vont donc chercher du soutien auprès des professionnels pour que ceux-ci les aident durant cette transition. Quelquefois, le manque de continuité et de cohérence dans les services peut créer chez les parents une angoisse concernant le futur de l’enfant (Squillaci Lanners, M. et Lanners, R. 2008). Selon Dulac (2001), les pères ont davantage tendance à aller dans l’action pour gérer ce stress. Leur implication au sein de l’école, par exemple, leur permet d’être au milieu de la prise de décision concernant leur enfant.

Les pères ont besoin de participer en donnant leur avis et en faisant part de leur vécu avec l’enfant (Squillaci Lanners, M. et Lanners, R, 2008). De plus, d’autres obstacles comme les attitudes négatives, les aides inadaptées ou les manques de moyens peuvent empêcher le bon déroulement de l’intégration de l’enfant dans son environnement scolaire (Letscher, S, Parent, G. et Deslandes, R. 2009). Dans ce contexte, les pères ont tendance à revendiquer une collaboration efficace avec les professionnels de l’école.

Collaboration parents et intervenants scolaires

La manière dont les professionnels réussissent à adapter leurs interventions en fonction des intérêts de l’enfant et des ressources de la famille est très importante pour les pères. Cette adaptation permet aux familles de prendre des décisions plus éclairées.

La perception que les pères ont de leur rôle dans l’équipe des professionnels est un élément central dans la mise en place d’un partenariat. Le fait que les pères ressentent qu’ils sont impliqués tout autant que les autres membres de l’équipe d’intervenants est un élément essentiel pour une bonne intégration scolaire de l’enfant. D’après Lavigne (2010), la collaboration se fait davantage avec les professionnels qui sont ouverts et qui prennent le temps d’informer les parents de ce qu’ils font.

Dans ces circonstances, si des désaccords apparaissent, un dialogue et des discussions peuvent être possibles entre les professionnels et le père de famille. Ce partenariat démontre alors qu’il y a une certaine ouverture entre les deux parties et donc que la collaboration est efficace. Comme l’explique Squillaci Lanners, M. et Lanners, R, (2008) : « si le soutien est fourni de manière appropriée, il influence positivement le comportement du bénéficiaire » (p16).

Le besoin est évidemment individuel et spécifique à chacun. Chaque père s’impliquera de manière individuelle dans le parcours scolaire de son enfant. Le personnel scolaire doit entendre les demandes et créer une association pour permettre une scolarisation efficace de l’enfant. Une collaboration entre les parents et les intervenants est essentielle afin que la famille puisse faire face à l’avenir de leur enfant (Squillaci Lanners, M. et Lanners, R, 2008).

Conclusion

La surdité se présente généralement dans des familles qui n’ont aucune connaissance à ce sujet. La majorité des parents d’enfants sourds doivent vivre dans un monde qui s’impose à eux. Chaque famille vit cette situation de manière différente. Mais il est certain que la différence de l’enfant amène à une réorganisation dans le fonctionnement de la famille. Ces changements et réajustements peuvent être source de fragilité pour les familles. Des prises de décisions doivent être faites dans les premiers mois et ceci aura nécessairement des conséquences sur le futur de l’enfant. Les pères peuvent éprouver des difficultés à trouver leur place et à bien définir leur rôle parental.

Si on veut que les pères s’engagent auprès des enfants, il est important que les professionnels les intègrent dès les premiers moments dans les décisions. Et ainsi leur permettre de développer leurs compétences parentales. Cette reconnaissance permettrait aux pères de s’approprier l’environnement dans lequel ils vivent et de sentir une collaboration avec les intervenants. Lorsque c’est le cas, ce partenariat des parents et des intervenants dans l’éducation de leur enfant au sein du milieu scolaire favorise grandement l’adaptation scolaire et sociale de ceux‑ci.

Bibliographie

  • Castelain-Meunier, C. (2005) Flexibilité des identités et paternités plurielles. Enfances, Familles, Générations, n.3, DOI : 10.7202/012532a
  • Dalle-Nazébi, S. (2014) « Quand le bilinguisme entre dans la famille avec la naissance d’un enfant Langue des signes et français au quotidien », Langage et société, n° 147, p. 23-34.
  • Dulac, G. (2001). « Les stéréotypes sociaux sur les rôles et l’implication des pères dans les services à la famille », Défi jeunesse, p. 26-32
  • Goasmat G. (2006) « L’intégration sociale des enfants sourds », Le Journal des psychologues, n° 236, p. 54-5
  • Letscher, S, Parent, G. et Deslandes, R. (2009). « Obstacles et facilitateurs à la participation sociale des personnes sources dans les domaines de l’éducation et du travail : État de la situation », Réseau International sur la Production du Handicap. n2, p.23-42.
  • Pelchat, D. et al. (2005) « L’expérience des pères et mères ayant un enfant atteint d’un problème de santé : état actuel des connaissances », Enfances, Familles, Générations, no 3, p. 56-77
  • Squillaci Lanners, M. et Lanners, R. (2008). « Éducation et soutien à la parentalité. Les attentes des parents ayant un enfant handicapé », La revue internationale de l’éducation familiale, n° 23, p. 15-38
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