Vivre avec la surdité

De la classe spécialisée à la classe ordinaire

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Extrait du numéro 214 de la revue Entendre : La surdité en milieu scolaire

Lyne Lafontaine, orthophoniste et personne-ressource en déficience auditive. Services régionaux de soutien et d’expertise en adaptation scolaire, région de Montréal. Avec la collaboration de Doris Mousseau, chef de groupe des enseignants soutien à l’intégration, enseignante soutien en déficience auditive et secrétaire du CREEHDA à l’école Saint-Enfant-Jésus (CSDM)

Comment se vit l’entrée au préscolaire pour un élève vivant avec une surdité? Doit-il commencer sa scolarité dans une classe spécialisée en déficience auditive de cinq à sept élèves? Comment réagira-t-il lors de son intégration par la suite? Comment fait-on pour prendre la décision d’intégrer un élève?

Pour tenter de répondre à ces questions, nous décrirons le cheminement d’un élève fréquentant une école du centre de services scolaire de Montréal (CSDM) que nous appellerons Thomas.

Suite au dépistage de sa surdité vers l’âge d’un an, Thomas est suivi en orthophonie et en audiologie à l’Institut Raymond-Dewar (IRD) qui est le centre de réadaptation de sa région. Il porte des prothèses auditives et communique oralement. Maintenant âgé de 3 ans ½, il présente un retard de langage. Les intervenants recommandent qu’il fréquente une classe spécialisée en déficience auditive lorsqu’il ira en prématernelle l’an prochain.

La préparation à l’école

Le comité de référence et d’étude pour les élèves handicapés par une déficience auditive de la CSDM (CREEHDA) analyse le dossier de l’élève. Il émet ensuite des recommandations concernant le mode de communication et la scolarisation. Pour Thomas, on recommande une pré- maternelle 4 ans à l’école Saint-Enfant-Jésus, une école de quartier du plateau Mont-Royal ayant un mandat régional pour scolariser en oralisme les enfants présentant une surdité.

Si l’enfant communiquait principalement en langue des signes québécoise (LSQ), on l’orienterait fort probablement vers l’école Gadbois. C’est une école qui possède un mandat suprarégional pour scolariser les enfants dans ce mode gestuel.

Au cours de l’année précédant l’entrée à l’école de Thomas, les parents et l’enfant sont invités à visiter les lieux. Les parents assistent également à une rencontre pour recevoir des informations sur l’entrée à l’école, le transport, le calendrier, les approches utilisées en classe et les services offerts.

Lorsque Thomas commence finalement l’école, il fréquente une classe spécialisée où l’on intensifie l’enseignement du langage oral et les habiletés d’éveil à l’écrit.

Son parcours scolaire

Au cours des deux années du préscolaire, les enseignants en adaptation scolaire exploiteront beaucoup la littérature jeunesse. Par exemple, un enseignant voulant exploiter le thème de l’aviation choisira un livre narratif portant sur les aventures d’un personnage en avion et transformera sa classe en aéroport. Il créera une comptine sur ce thème, ciblera le vocabulaire et les expressions à enseigner, exploitera les inférences et travaillera la structure du récit. En parallèle, il invitera les enfants à faire des jeux de rôle et organisera une sortie pour visiter un aéroport. Il intégrera des activités en arts, en mathématiques ou en sciences reliées à ce thème. Puis, il proposera d’autres livres informatifs pour répondre aux nombreuses questions de Thomas et de ses pairs, tous curieux et avides de développer leurs connaissances sur le monde.

Sur le plan de l’éveil à l’écrit, Thomas développera peu à peu une conscience de l’écrit (sens de la lecture de gauche à droite, repérer un mot sur une page, etc.), apprendra progressivement le nom des lettres et leur conversion en son (la graphie F fait [ffff]), développera sa conscience phonologique (ex. : couper un mot oral en syllabes, reconnaître une rime à la fin d’un mot) et tentera d’écrire des mots à sa façon en émettant des hypothèses.

L’orthophoniste travaille en étroite collaboration avec l’enseignant de la classe spéciale. Elle travaille individuellement avec les enfants et anime des activités en classe.

Certaines approches ou méthodes sont utilisées avec les enfants pour faciliter leur accès à l’information.

Ainsi, dès l’entrée à l’école, on enseigne la langue parlée complétée (LPC). On enseigne les codes des voyelles dans les groupes de 4 ans et les consonnes dans les groupes de 5 ans. L’audiologiste de l’IRD s’occupe du pairage du système MF et travaille individuellement avec certains élèves pour qu’ils améliorent leurs habiletés auditives. Thomas apprend aussi à devenir de plus en plus autonome dans la gestion de ses aides auditives. Les parents peuvent également avoir accès aux services psychosociaux de l’IRD s’ils en font la demande.

Un travail d’équipe

Les intervenants et les parents de Thomas conviennent d’un plan d’intervention scolaire qu’ils réviseront au cours de l’année et poursuivront l’année suivante. Ils réfléchissent également à son intégration. Pour Thomas, après ses deux années au préscolaire en classe spéciale, on juge que ses progrès en langage oral et écrit et son rythme d’apprentissage sont très satisfaisants. Tous sont d’accord pour tenter l’intégration à condition de la commencer dans une classe ordinaire à l’école Saint-Enfant-Jésus afin de réguler plus facilement les interventions et répondre plus facilement aux besoins du jeune enfant.

Thomas commence donc sa première année dans une classe ordinaire. Il s’occupe bien de son système MF personnel. À la récréation et pendant le dîner, il continue à revoir ses amis de l’an dernier qui ne sont pas dans la même classe que lui tout en se faisant de nouveaux amis. Il est suivi à l’école par l’orthophoniste et par l’enseignant soutien à l’intégration. Ce dernier soutient l’élève dans ses apprentissages scolaires et sa socialisation. Il offre également une sensibilisation sur la surdité et les aides auditives en classe.

Soutien dans l’intégration

À la fin du premier cycle, on décide qu’il est prêt à intégrer le deuxième cycle dans son école de quartier à la CSDM. Un enseignant soutien à l’intégration le rencontrera chaque semaine.

Ce service pourra se poursuivre jusqu’à la fin de sa scolarité au secondaire si les besoins le justifient.

Les intervenants et les parents doivent régulièrement échanger avec l’élève sur les défis qu’il rencontre et les solutions possibles afin de bien répondre à ses besoins tout au long de sa scolarité.

A-t-il besoin d’interprétation orale ou orale avec LPC, d’un preneur de notes au secondaire ou d’outils d’aide technologiques? Arrive-t-il bien à s’intégrer et à se faire des amis?

Les enfants ne connaîtront pas nécessairement le même parcours que Thomas. Il est donc important que les intervenants et les parents se concertent pour bien comprendre les capacités et besoins de chacun des enfants. Ces derniers participeront de plus en plus aux réflexions et recherches de solutions et développeront progressivement leur autonomie sociale.

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