Extrait du numéro 212 de la revue Entendre : Le dépistage universel de la surdité chez les nouveau-nés
Par Lorrayne Marchand, orthopédagogue en surdité
Enfin… depuis le temps qu’il est question du dépistage universel ! Nous, à l’AQEPA, attendions vivement que cette problématique soit désormais réglée. Cependant, peut-on clamer haut et fort… Enfin ?! Malheureusement, nous en sommes encore à la phase des questionnements et des imprécisions. Situation déplorable, car bon nombre de nos jeunes auront été privés de cette mesure essentielle.
Mais bon… concentrons-nous sur le moment présent. Qui dit dépistage précoce sous-entend dépistage universel (à la naissance) et, par conséquent, appareillage optimal précoce. Voilà un excellent départ ! Une fois la surdité bien identifiée et contrôlée, on se polarise sur l’intervention précoce.
D’une part, les centres de réadaptation réajustent leur tir. D’autre part, les parents, mieux outillés, commencent la stimulation de leur enfant dès la naissance. Que souhaiter de mieux ? Les conséquences positives de la stimulation précoce chez l’enfant sourd ne sont plus à démontrer. De multiples études et recherches en surdité se sont penchées sur l’impact de cette stimulation en matière d’apprentissage.
Les constats sont unanimes : plus un jeune est dépisté, appareillé et stimulé précocement, meilleures sont ses chances de réussir à l’école.
On me demande souvent si j’ai un enfant sourd. Je réponds négativement, mais j’ajoute inévitablement que je suis la mère adoptive de plusieurs enfants sourds. Étant orthopédagogue en surdité, je pourrais vous donner plusieurs exemples démontrant l’importance de l’intervention précoce. Inversement, je pourrais vous citer les effets désastreux d’un dépistage tardif. J’ai en tête certains de mes élèves qui ont reçu un diagnostic de surdité à quatre ans et demi, même dans un cas de surdité sévère. Vous vous imaginez le temps perdu et ses fâcheuses conséquences sur les apprentissages de l’enfant ! Hélas, ce retard ne se rattrape presque jamais.
Ce qui est dramatique, c’est que ce retard se traduit souvent par un échec scolaire. Une carence langagière n’a pas seulement un impact négatif en français, mais, conséquemment, dans les autres sphères de l’apprentissage. Cet impact négatif se répercute partout où il est question de langage, de communication et d’inférence. Entre autres, je pense aux résolutions de problèmes, aux discussions en univers social, à la philosophie…
Incontestablement, il faut mettre en œuvre tous les moyens et toutes les façons de stimuler son enfant.
Nous n’insisterons jamais assez sur le moyen privilégié de stimulation et de préparation à l’école : la lecture !
Par exemple, pensons au merveilleux programme de l’AQEPA, Plaisir de lire, qui est offert depuis bon nombre d’années. Par le biais de la lecture et des thèmes choisis, nous développons toutes les sphères éducatives de l’enfant. Mentionnons spécialement le développement du langage, la socialisation et la maturation de notre jeune. Nous savons que tous ces facteurs sont indispensables pour une intégration harmonieuse et un cheminement scolaire réussi.
Bien entendu, si ces enfants ne sont pas prêts pour leur scolarisation, leur intégration ne sera pas entièrement accomplie. Et, quand nous parlons d’intégration, nous faisons référence à l’intégration sociale et/ou l’intégration scolaire. Même si notre jeune est scolarisé à l’école spécialisée, il n’y échappe pas. D’une façon ou d’une autre, ne doit-il pas devenir « un citoyen à part entière » ? Une fois adulte, il devra faire partie intégrante de la société.
J’ai parlé ici du volet académique, mais que dire du développement comportemental du jeune ? Par expérience, on sait que nos jeunes vivant avec une surdité sont fréquemment repliés sur eux-mêmes. Ils ne sont pas naturellement enclins à aller vers les autres. Souvent, ils se sous-estiment et manquent de confiance en leurs possibilités. Leur estime de soi se situe parfois à un niveau très bas. Heureusement, avec le dépistage précoce, on saura remédier à ce problème grâce à la stimulation précoce doublée d’un appareillage optimal.
Cela étant dit, revenons à notre sujet, la stimulation précoce, conséquence logique du dépistage précoce. Je pourrais continuer à écrire encore et encore. Cependant, je dois m’arrêter ici. Voilà, en résumé, les grandes lignes que devrait prendre notre action. Nous devons mettre en œuvre tous les moyens pour maximiser le potentiel de nos enfants sourds. Il ne faut jamais perdre de vue notre objectif ultime : l’intégration sociale et /ou scolaire de nos jeunes vivant avec une surdité. Nous devons nous centrer davantage et précocement sur le développement langagier et cognitif sans oublier le développement global de notre enfant. La surdité, avec sa carence relationnelle, entraîne fréquemment un repli sur soi et un isolement social mettant en péril le développement de l’enfant sourd.
Nous clamons haut et fort la nécessité absolue de « l’ouverture au monde ». Alors, mettons en œuvre toutes les stratégies gagnantes, et cela, dès maintenant. Pour se faire, nous devons commencer par la première étape, le dépistage précoce. Répétons-le, allons de l’avant et soyons vigilants.
Assurons-nous que le dépistage universel sera désormais instauré et appliqué uniformément dans tous les hôpitaux du Québec.
En vous quittant, je vous invite à relire le numéro 197 de la revue Entendre portant sur les interventions précoces. Je « nous » souhaite le meilleur des succès dans le dépistage universel et la stimulation précoce de nos chers petits.