Vivre avec la surdité

La réadaptation, un travail en équipe avec les parents

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Extrait du numéro 213 de la revue Entendre : La réadaptation après le diagnostic de surdité

Par Louise Duschesne, Ph.D., orthophoniste, Professeure adjointe du département d’orthophonie à l’Université du Québec à Trois-Rivières

La recherche a depuis longtemps démontré que l’identification précoce de la surdité, suivie d’une prise en charge rapide, c’est-à-dire avant l’âge de 6 mois, avait un effet tangible sur le développement subséquent du langage et des sons de la parole (Yoshinaga-Itano, 2003).

En moyenne, pour n’importe quel degré de surdité, les enfants qui bénéficient d’une prise en charge en réadaptation au plus jeune âge atteindraient, à long-terme, de meilleurs niveaux de langage, vivraient une plus grande réussite académique et auraient de meilleures habiletés sociales. C’est dire toute l’importance de la réadaptation chez le jeune enfant sourd.

Une fois la surdité d’un jeune enfant diagnostiquée, que ce soit à la naissance ou un peu plus tard, une fois les prothèses auditives installées, une fois la référence au Centre d’expertise en implant faite – si le degré de surdité le justifie – tout ne fait donc que commencer !

Le rôle de l’orthophoniste dans la réadaptation du jeune enfant sourd

Le début d’un parcours en réadaptation peut parfois être chaotique : c’est la valse des rendez-vous et chacun y va de sa tonne d’information. L’orthophoniste aura elle1 aussi une foule de renseignements à donner aux parents : sur l’impact de la surdité sur le développement du langage, sur ce que l’on sait du développement typique du langage chez les entendants et aussi sur les diverses façons de communiquer avec son enfant sourd. De plus, l’orthophoniste amènera le parent à utiliser certaines stratégies spécifiques visant à stimuler le langage de son enfant.

Son objectif est de favoriser le plus possible la communication entre la famille et l’enfant qui présente une surdité, en n’oubliant pas de viser à tout prix une communication naturelle dans la famille.

L’orthophoniste évaluera aussi de manière continue les progrès langagiers du jeune enfant. Pour maximiser la participation du parent, l’orthophoniste peut lui faire utiliser un journal de bord de langage, si celui-ci est prêt à s’embarquer bien sûr (nous avons d’ailleurs un projet de recherche en cours sur l’utilisation d’un journal pour suivre l’évolution précoce du vocabulaire).

Ce processus d’évaluation quasi-continue a aussi pour but d’observer le rythme d’apprentissage du langage et d’identifier les meilleures stratégies d’intervention pour maximiser le développement de chaque enfant. Enfin, l’orthophoniste reste toujours à l’affût d’indices qui ne correspondent pas au portrait typique d’un enfant sourd et qui pourraient indiquer la présence d’autres difficultés de langage non liées à la surdité.

On l’a déjà dit, le dépistage précoce et les avancées technologiques des dernières années ont permis d’augmenter les attentes de tout le monde vis-à-vis du développement du langage oral et de l’atteinte de niveaux de vocabulaire ou de syntaxe qui se rapprochent – ou rejoignent – la norme des entendants.

C’est pourquoi, il est recommandé que les orthophonistes comparent les enfants sourds avec la norme des entendants et utilisent des tests d’évaluation standardisés pour lesquels il existe des normes en français (il y a encore peu d’outils adaptés au français mais plusieurs chercheurs y travaillent). Un organisme américain, le Joint Committee on Infant Hearing, recommande que les enfants soient évalués à l’aide d’outils reconnus et appropriés pour mesurer les progrès tant sur le plan du langage parlé que signé (JCIH, 2007).

L’importance du travail en équipe… incluant le parent

Si les parents se dirigent vers l’implant cochléaire, la première phase de réadaptation post-implant sera intensive. Cette approche crée un contexte favorable (intense, mais la plupart du temps bénéfique) qui permet aux parents d’observer les progrès de semaine en semaine et d’être en « apprentissage » intensif d’attitudes qui soutiennent le développement du langage. Si l’implant ne fait pas partie du portrait, la réadaptation, bien qu’un peu moins intensive en début de parcours, vise exactement les mêmes objectifs.

Il est donc essentiel que l’équipe d’intervenants de réadaptation établisse une collaboration efficace avec le parent et que celui-ci se mobilise afin de maximiser les bénéfices du programme de réadaptation, et ce, peu importe le type d’aides auditives portées par l’enfant.

Mais qu’est-ce qu’une collaboration efficace ?

L’équipe de réadaptation a pour priorité le développement de l’enfant sourd certes, mais elle cherchera d’abord et avant tout à établir – et à maintenir – un partenariat avec la famille.

Comment ?

  • Chercher à donner confiance au parent : confiance en l’expertise de l’équipe (essentielle pour faire alliance) mais aussi confiance en ses propres moyens, ses propres habiletés à stimuler la communication de son enfant – l’équipe de réadaptation aide le parent à développer un sentiment de compétence ;
  • Se souvenir que les parents peuvent vivre des choses difficiles et des stress multiples ;
  • Exposer et proposer diverses solutions aux parents mais en respectant leurs priorités et leurs choix ;En ne cherchant pas à « sauver » l’enfant et sa famille mais plutôt à soutenir les parents, à les rendre compétents, à les responsabiliser, à les écouter (et à leur dire parfois certaines choses qui seront difficiles à entendre).

Quelques études ont démontré des associations entre l’implication des parents en réadaptation et le développement du langage (Sarant et al., 2008).

Or, pour un parent, s’impliquer en réadaptation, ce n’est pas seulement assister à des thérapies ou appliquer certaines techniques de stimulation à la maison, c’est aussi faire valoir ses habiletés, ses choix, ses priorités, ses valeurs, en somme, prendre sa place dans l’équipe de réadaptation.

Références :

  • Joint Commission on Infant Hearing (JCIH). (2007). Year 2007 position statement: Principles and guidelines for early hearing detection and intervention programs. American Academy of Pediatrics, 120, p898-921.
  • Sarant, J.Z., Holt, C.M., Dowell, R.C., Rickards, F.W., & Blamey, P.J. (2009). Spoken language development in oral preschool children with permanent childhood deafness. Journal of Deaf Studies and Deaf Education, 14(2),p 205-217
  • Yoshinaga-Itano, C. (2003), Early intervention after universal neonatal hearing screening: Impact on outcomes. Mental Retardation and Developmental Disability Research Reviews, 9,p 252–266.
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