L’estime de soi, c’est la conscience de la valeur personnelle qu’on se reconnaît dans différents domaines, un ensemble d’attitudes et de croyances qui nous permettent de faire face au monde. (Définition officielle du « World Council for Self Esteem ».)
Selon Germain Duclos (L’Estime de soi, un passeport pour la vie), elle :
- prend sa source première dans l’attachement
- est alimentée par les jugements positifs des personnes significatives
- est déterminée par la qualité du monologue intérieur
- se nourrit par les succès
- doit être réactivée régulièrement pour se conserver
Elle se compose :
- du sentiment de confiance
- de la connaissance de soi
- du sentiment d’appartenance
- du sentiment de compétence
Estime de soi et surdité : quels impacts et pourquoi?
L’estime de soi est liée à la conscience de sa valeur personnelle, à la reconnaissance de ses forces et de ses limites.
Souvent, on identifie les particularités individuelles comme étant une limitation, ou encore une incapacité ou une déficience.
Ainsi, la surdité, pourra affecter l’estime de soi d’un enfant et ses composantes.
Cet effet négatif peut provenir tant des efforts d’adaptation à un monde majoritairement auditif, que des représentations, de l’image que l’on a de la surdité et qui est, de fait, renvoyée à l’enfant.
Il est donc essentiel que les personnes significatives dans la vie de l’enfant aient conscience de ces impacts potentiels afin de pouvoir soit les prévenir, soit les diminuer, soit les compenser.
Bien sûr, en tant que professionnel ou professionnelle intervenant dans le parcours de vie de ces enfants et de leurs parents, tant ponctuellement (audiologiste lors de l’annonce du diagnostic) que de manière plus suivie (orthophoniste, éducatrice spécialisée…), vos conseils et vos pratiques pourront les soutenir!
Revenons donc, pour chaque composante, sur les impacts potentiels de la surdité. Nous présenterons les réflexions, conseils et actions qui peuvent les estomper, voire les “sublimer” – tirés des témoignages de parents, de jeunes et de professionnels, ainsi que quelques outils, activités ou programmes que vous pouvez recommander, en ce sens.
Sentiment de confiance
Les parents sont les premiers à pouvoir agir sur le développement de l’estime personnelle de leur enfant par la construction de leur lien affectif et la réponse aux besoins primaires qui créent un sentiment de sécurité, et donc de confiance.
Il est donc nécessaire qu’eux-mêmes se sentent aptes à développer ce lien.
Leur acceptation de la surdité de leur enfant, ainsi que leur compréhension de ses effets, par la réponse à leur besoin d’information et d’action est primordiale.
Quelques pratiques conseillées :
- Accompagner les parents dans le processus de “deuil” de l’enfant parfait et dans la découverte de cette nouvelle réalité (Guide pratique pour les parents, témoignages, groupe de discussion ou jumelage via l’AQEPA)
- Développer la communication parent-enfant (stratégies de communication visuelle naturelle à mettre en place rapidement, grâce à des gestes naturels, des signes, des pictogrammes…)
- Renforcer leur sentiment de compétence (se fier à son instinct, revenir aux besoins primaires de l’enfant, à ses forces, à son potentiel)
Connaissance de soi
À mesure qu’il grandit, qu’il interagit et se compare à ses pairs, l’enfant apprend à découvrir ses forces, ses limites, leurs ressemblances, leurs différences. Il se peut alors – particulièrement en contexte scolaire, qu’il ressente une grande fatigue d’adaptation ou encore qu’il soit confronté à des échecs. Par ailleurs, le processus de réadaptation et l’attention toute particulière dont va bénéficier un enfant vivant avec une surdité peuvent entraîner une dynamique de surprotection de la part des parents, laissant peu de place au développement de son autonomie.
Quelques pratiques conseillées :
- Rappeler aux parents d’encourager l’autonomie de l’enfant : l’inciter à “se débrouiller”, à essayer par lui-même, après lui avoir donné l’exemple. La surprotection empêche l’enfant d’apprendre et lui envoie le message qu’il n’est pas capable ou pas assez bon pour faire les choses. (quelques conseils pratiques)
- Donner à l’enfant la possibilité de prendre conscience de ses forces et de ses limites, de les nommer puis d’identifier et valoriser son pouvoir d’agir.
- Aider l’enfant – et ses parents ! – à comprendre, à nommer ce qu’est la surdité… et ce qu’elle n’est pas, à identifier ce qui est lié à la surdité… et ce qui ne l’est pas! (La surdité… qu’est-ce que vous en savez?)
- En milieu scolaire : inviter l’enfant à participer aux rencontres de plan d’intervention dès qu’il est en mesure de le faire afin qu’il puisse exprimer ses besoins et jouer un rôle actif dans la sélection des objectifs visés.
- À l’adolescence : la connaissance de soi passera également par une construction identitaire, qui pourra évoluer. Un adolescent pourra se distancier de sa surdité (“je ne suis pas mon handicap”, “j’ai une surdité mais je ne suis pas sourd”, “je suis malentendant”) tandis que d’autres auront besoin de se la réapproprier (“je suis Sourd”, “je suis une personne sourde”). Tous ces parcours se retrouvent dans de nombreux témoignages qui peuvent aider les jeunes à se découvrir. (Modèles inspirants)
Sentiment d’appartenance
Le sentiment d’appartenance se construit “par le partage avec d’autres d’une même réalité, de mêmes valeurs ou de mêmes objectifs”. (www.aide.ulaval.ca) Or, 90% des enfants sourds ou malentendants ont des parents entendants, et une grande proportion d’élèves sourds ou malentendants sont scolarisés dans leur école de quartier, parmi des élèves entendants.
Leur réalité est donc différente sur certains plans, et les obstacles à la communication peuvent nuire à la prise de conscience du partage de valeurs et d’objectifs communs. Dans un milieu majoritairement auditif, les enfants ou les jeunes sourds et malentendants peuvent souvent se sentir isolés ou exclus des conversations ou des activités en groupe, que ce soit au sein de la famille, à la garderie, à l’école, dans un club de sport…
Quelques pratiques conseillées :
- En milieu de garde et à l’école : normaliser les différences et souligner les points communs. Démontrer que les enfants sont tous pareils… car tous différents.
- Instaurer des stratégies de communication bénéfiques pour tous au sein des différents milieux de vie de l’enfant, afin d’atténuer sa fatigue d’adaptation et faire en sorte qu’il ne se sente pas seulement intégré (il s’adapte à son environnement), mais qu’il soit inclus (son environnement s’adapte à lui… et à tous). Par exemple : apprendre et utiliser des signes de la LSQ ; proposer des contenus ou activités ludiques, sportives ou pédagogiques reposant sur des indices visuels, et pas seulement auditifs
- Inciter les familles à participer à des activités ou des groupes pour les jeunes sourds et malentendants : tous les membres de l’AQEPA soulignent à quel point la rencontre avec d’autres familles a aidé leur enfant à s’épanouir et à développer ce sentiment d’appartenance. (programmation de l’AQEPA, La Zone AQEPA pour les ados)
- Recommander des contenus culturels représentant des personnes sourdes ou malentendantes : plus un ou une jeune verra des représentations positives de personnes “comme lui ou elle”, plus il ou elle se sentira comme faisant partie de la société. (La Zone AQEPA)
- Inciter à découvrir la communauté et la culture sourdes : cette découverte constitue souvent un déclic très fort et constructif pour le développement de leur estime personnelle. (Surdité et fierté)
- Encourager la pratique sportive, tout en sensibilisant le milieu aux adaptations à prévoir (Sport et surdité : pourquoi, comment?)
Sentiment de compétence
Les mots auxquels sont confrontés les jeunes sourds ou malentendants et leurs parents peuvent grandement affecter le sentiment de compétence. En effet, dès le premier dépistage de surdité, il arrive que l’on dise que l’enfant a “échoué le test”.
Plus tard, le jeune et ses parents découvriront les services en “déficience auditive”, les “codes de difficultés”… Tant de termes à connotation négative qui, s’ils s’avèrent nécessaires pour identifier certains éléments de manière objective pour les professionnels, devraient être “compensés” et contextualisés pour ne pas affecter le jeune.
Quelques pratiques conseillées :
- Lors des examens, des évaluations auditives, des annonces de diagnostic etc : utiliser des termes neutres (éviter “échec”, “malheureusement”…),
- Lors des rencontres de préparation du plan d’intervention : se baser sur les besoins, les capacités et les forces de l’élève. Pas seulement sur ses difficultés !
- Souligner les réussites du jeune, ses efforts et ses progrès, dans toutes les sphères de sa vie,
- Identifier et valoriser les compétences acquises “à cause” de la surdité : lecture labiale, patience, persévérance, concentration, adaptabilité… (Super Sourde, témoignages, “gain sourd” et sourditude),
- Offrir aux jeunes une grande variété de modèles positifs sourds ou malentendants, leur montrant que tous les parcours sont envisageables ! (modèles en emploi, témoignages et portraits relayés sur les réseaux sociaux…)
En bref…
On s’aperçoit que beaucoup de facteurs négatifs sont liés au regard que l’on porte sur le jeune et sur sa surdité… et sur la surdité de manière générale.
Nous pouvons toutes et tous agir sur ces facteurs, en adoptant de nouveaux réflexes, bénéfiques pour toutes et tous :
- questionner nos perceptions
- questionner les mots que l’on utilise
- adapter l’environnement dans lequel nous évoluons
- valoriser la diversité

Bien sûr il existe de nombreuses autres façons de renforcer l’estime de soi d’un jeune sourd ou malentendant… sans lien nécessaire avec sa surdité.
Un enfant reste un enfant, un ado reste un ado!